AVERTISSEMENT – CET ARTICLE NE CONSISTE PAS EN UNE LISTE D’ÉPICERIE DES ÉTAPES À SUIVRE POUR SORTIR DE LA FRIEND ZONE. C’EST UN DÉMANTÈLEMENT D’URGENCE DU MYTHE AVANT QU’IL N’ATTEIGNE L’AMPLEUR DE CELUI DU TRIANGLE DES BERMUDES.
L’expression « friend zone » a pris d’assaut Internet depuis quelque temps déjà. Désignant de prétendus limbes dont il est impossible de s’échapper, il suffit d’en faire mention pour en faire frissonner quelques-uns. À en croire Reddit ou Yahoo Answers, on s’y retrouve pour des raisons inexplicables. Le vernaculaire du Web est sans équivoque : ceux qui y errent sont absous de toute responsabilité.
Pour ceux d’entre vous qui vivent tels des ermites dans une grotte coupée du monde, ce terme qualifie la situation dans laquelle on se retrouve quand une personne avec qui l’on était jusque-là amis ne retourne pas nos sentiments amoureux. Voilà. C’était la définition politiquement correcte. Attaquons-nous maintenant au vif du sujet.
Le danger avec la légende du friend zoning réside dans le virage un tantinet sexiste qu’il lui arrive d’emprunter. C’est le cas lorsqu’on s’en sert pour imposer le rôle de vilain à une fille n’ayant pourtant aucun contrôle sur qui l’attire ou non. Le pauvre Don Juan sans succès, lui, subit une grande injustice et se voit décerner le statut de victime. L’amitié n’est évidemment pas assez valorisante, après tous ces efforts pour traiter convenablement sa bien-aimée! Quelle perte de temps! Toute cette énergie gaspillée! *Notez bien le sarcasme* Faut-il absolument tenir le compte de tout ce que l’on donne et s’attendre à ce que nos désirs soient comblés en retour? Ça consiste déjà en de terribles bases pour une amitié, imaginez donc pour une relation amoureuse!
Parfois, j’ai l’impression que certains gars prennent les filles pour des jeux vidéo. Ils amassent des points de gentillesse, convaincus qu’ils leur permettront d’accéder au niveau suivant. Quand le fameux « ACHIEVEMENT UNLOCKED » se fait trop attendre, il y a sûrement une défectuosité quelque part. Où est leur dédommagement? N’y avait-il pas une politique de garantie?
Ne vous méprenez pas, je considère tout à fait légitime d’être déçu suite à un rejet. S’en plaindre est une chose, mais ne pas s’en contenter en est une tout autre. Étirer cet apitoiement sur son sort envoie un message clair : une simple amitié n’en vaut pas la chandelle. C’est curieux, non? Prétendre être véritablement intéressé envers quelqu’un pour ensuite cracher sur un amour platonique…
Parlons maintenant du cas du « bon gars » qui ne lâche pas le morceau. On connait tous son histoire mélodramatique. Il console sa chère dulcinée à chaque fois qu’un bad boy lui brise le cœur. Il lui prête son épaule dans l’espoir qu’un jour elle en ait marre de se faire blesser par des salauds et qu’elle réalise qu’il est en fait l’homme de ses rêves. Encore une fois, tout tourne autour du misérable prince charmant. Comme il fait pitié! Quelle incroyable patience! Ça, c’est l’amour véritable n’est-ce pas?
NON.
Pensons à la fille deux petites secondes. On lui colle le rôle de demoiselle en détresse. On met en doute son jugement en regardant sa vie amoureuse d’un si mauvais oeil. C’est avec une condescendance hallucinante qu’on attend tous patiemment qu’elle ouvre les yeux et voit que son pauvre ami est l’homme idéal. Comme si elle avait besoin qu’on la sauve d’elle-même.
Cette mentalité est quand même profondément ancrée. On n’a qu’à penser aux teenage movies des années 2000 : le meilleur ami demeure supposément invisible jusqu’à la toute fin où il sauve les meubles. La morale est donc que le garçon gentil qui ne t’a pourtant jamais tapé dans l’œil est décidément ton match parfait.
OK, mettons les choses au clair avant qu’on me lance des tomates: il y a une infinité de cas de friend zone. Ça s’applique aux gars autant qu’aux filles. Mais dites donc, connaissez-vous une fille friend zonée pleine de rancune et de rage? Personnellement, ce qui me vient à l’esprit est plutôt un amalgame d’insécurité et de cuillère à même le pot de crème glacée.
En fin de compte, on peut l’analyser sous tous ses angles, la friend zone aboutit à une seule chose : le rejet. Quoi de plus universel? Ça blesse tout le monde, nonobstant le sexe ou la sexualité!
Néanmoins, le cas dont on entend le plus parler s’applique à une relation hétérosexuelle où la femme se voit incapable de retourner l’affection que l’homme lui porte. Par contre, on omet le fait que, la plupart du temps, ce dernier n’avait pas mis ses intentions au clair dès le début. On a beau vanter les mérites de l’instinct féminin, nous ne sommes pas toutes clairvoyantes. Si vous vous comportez en ami, on vous considère en ami. Épargnez-nous vos commentaires d’« agace » — merci, bonsoir.
(Cela dit, je ne nie pas l’existence d’allumeuses.)
Outre sa connotation négative qui fait passer l’amitié pour un prix de consolation médiocre, j’ai un problème avec la friend zone. Elle perpétue le mythe que les filles n’aiment que les mauvais garçons. Un look rebelle ne fait pas toujours tort aux yeux de quelques-unes, mais je vous confirme qu’il n’y a rien de séduisant dans des vacheries. Pensez-vous vraiment que la décence nous repousse? N’ayez crainte, l’intégrité ne vous rendra pas moins désirable.
Pour conclure, je lève mon chapeau aux gentlemen de ce monde qui acceptent dignement la réponse à l’aveu de leurs sentiments, et ce, quelle qu’elle soit.
Photo : DeviantART