Qui ne les a pas vues, ces campagnes publicitaires émouvantes qui crient haut et fort que toutes les femmes sont belles? Les compagnies ciblant une clientèle féminine ont trouvé l’astuce de marketing du siècle : elles ont appris à jouer de la harpe avec nos cordes sensibles de filles complexées. Elles s’en tirent si facilement en se donnant le beau rôle d’entreprises socialement engagées, tout en réalisant des profits astronomiques.
Il est impossible de nier qu’on en est à une période de glorification de la silhouette plantureuse. C’est avec une nostalgie adulatrice qu’on se remémore les hanches généreuses de Marilyn Monroe. On met Jennifer Lawrence sur un piédestal parce qu’elle parle ouvertement de son amour pour la bouffe. À l’opposé, on n’hésite pas à dénigrer les actrices avec un penchant maigrichon comme si elles étaient derrière tous les troubles alimentaires de la planète. On se demande ce qui a bien pu se passer depuis le temps des peintres de la Renaissance dont les muses étaient grassouillettes. Ah, la belle époque où les bourrelets étaient synonymes de fertilité, santé et richesse! La silhouette féminine est soumise aux allées et venues de la mode comme n’importe quel accessoire. Malheureusement, il est plus difficile de se procurer une poitrine proéminente que la nouvelle paire de chaussures tendance. Les annonceurs surfent très bien sur cette vague en lançant des messages de bien-être comme s’il leur tenait vraiment à cœur que nous soyons toutes bien dans notre peau.
Prenons l’exemple de Dove et sa mission tartufe de redéfinir de la «vraie beauté». Ce que beaucoup de gens ignorent est que Dove est une propriété d’Unilever, également détenteur d’Axe. Oui, oui! La même compagnie qui réalise des pubs misogynes convainquant les adolescents que des meutes de mannequins ne pourront pas résister à leur nouvelle odeur. Certes, les publics cibles sont diamétralement opposés, mais il demeure hypocrite de dicter aux femmes de se départir de leurs insécurités tout en mettant de l’avant des standards de beauté irréalistes en parallèle. Ce n’est pas la seule contradiction dans le discours d’Unilever : la compagnie vend également des traitements de blanchiment de peau, des milkshakes pour régimes et des crèmes antirides. Merci pour les leçons d’estime de soi!
Outre sa duplicité, cette forme de promotion cloche à un degré encore plus fondamental. Au lieu d’apprendre aux clientes à se valoriser autrement, on veut qu’elles se rentrent dans la tête qu’elles sont d’une beauté à couper le souffle. Pourquoi les faire culpabiliser de ne pas aimer leur corps alors qu’on pourrait tout simplement leur enseigner que le physique n’est pas le seul facteur de désirabilité? La réponse est simple : c’est bien moins pratique pour instrumentaliser l’image corporelle féminine à des fins commerciales. Comme ça adonne mieux de dire aux femmes qu’elles sont leurs propres pires ennemies et que la responsabilité de leur malaise par rapport à leur physique repose entièrement sur leurs épaules! Toute cette pseudo psychanalyse condescendante permet aux publicitaires de faire de l’argent tout en se dissociant des causes premières qui ont poussé les consommatrices à se scruter sous tous les angles dans le miroir.
Il n’y a rien de mal à remettre en question nos perceptions négatives de nous-mêmes – je dirais même qu’il est crucial de se soumettre à cet exercice – mais, de grâce, aspirons à autre chose qu’à la beauté. Il faut se rentrer dans la cervelle que notre désirabilité ne dépend pas uniquement du facteur physique. Valorisons-nous autrement. Même quand on parle de personnalité, il s’agit de «beauté intérieure». La beauté, la beauté! Toujours la beauté!
Photo : Flickr