Au cours du secondaire, en tant que fille, notre routine beauté occupe graduellement un bloc pas mal plus important dans notre horaire. On commence à se faire dire que se beurrer la face de crème Aveeno quand notre peau craque en sortant de la douche, c’est vraiment pas assez : il faut nettoyer, exfolier, tonifier, hydrater et répéter. Ensuite, on fait nos premières expérimentations – parfois catastrophiques, malgré les millions de tutoriels Youtube visionnés – avec le maquillage. Pour certaines, ça devient des produits pour les occasions spéciales, pour d’autres, une véritable drogue.
Ces filles-là, elles ont souvent le même discours. Nous l’avons tous entendu, le fameux «Ça m’aide à me sentir belle!» Perso, je pense que si ta confiance est directement proportionnelle à la quantité de cosmétiques que tu as slappée sur ta face, il y a un p’tit problème, la grande. Le maquillage, sauveur de l’estime de soi? I think NOT.
Pas une femme sur Terre n’est née avec la combinaison parfaite de cils fournis, peau de pêche, lèvres pulpeuses et autres numéros gagnants à la loterie de la beauté conventionnelle. Pourtant, nous sommes toutes obsédées par l’idée d’être imparfaites. Ça en est à un point tel qu’une star qui OSE s’afficher démaquillée peut suffire à faire la une des magazines qu’on ne peut pas s’empêcher de checker en attendant à la caisse.
Que dire de ces femmes qui se défendent en affirmant que le maquillage est un art et qu’il leur permet donc d’exprimer rien de moins que leur créativité? Pour l’application du maquillage, OK. Son port, par contre… disons que ça envoie un tout autre message. Prenons le gloss par exemple. À bien y réfléchir, l’effet de lèvres mouillées qu’il crée évoque quoi au juste…? Ihlala! Passons à la question suivante. Si le maquillage est tout simplement un art, nul besoin de sourciller quand une fillette de 8 ans rocke le look «eyeliner version panda» : elle développe son côté créatif! Et les gars, eux? Pourquoi ils ne joignent pas notre partie de plaisir?
C’est triste à dire, mais le maquillage est communément perçu comme une stratégie de séduction, un acquiescement à se faire sexualiser. C’est ce qui suscite autant d’effroi chez les musulmanes qui retournent la pareille aux Occidentales lorsqu’elles les accusent de se soumettre à l’homme en portant le voile.
Le rouge à lèvres, arme d’oppression massive? Ce serait une méchante longue histoire d’esclavage. Les premières formes de cosmétiques remontent à l’Égypte ancienne – Duh! on l’sait ben, Cléopâtre était chix dans Astérix et Obélix – , il y en avait jusqu’en Grèce Antique et même dans l’Empire romain. De la farine à la craie, en passant par la poudre de riz et les blancs d’œufs, les femmes mettaient leur santé en péril dans la quête d’une peau parfaite. Il y a même eu des cas de paralysie musculaire et de décès à cause du mélange toxique à base de plomb que les femmes appliquaient tout juste avant l’époque victorienne. Comme quoi ça peut aller loin, une fille soumise à un idéal hors de portée.
Pour venir à la rescousse de notre confiance en nous, bien des garçons clament haut et fort nous préférer au naturel. Le hic, c’est que ces gars-là s’imaginent que JLo est née avec la peau qui scintille. De toute façon, qu’est-ce qui leur dit que c’est pour eux qu’on flambe des centaines de dollars chez Sephora? – Pis nous? Si on s’aime pas au naturel?
En ce beau monde de consommation, ça fait l’affaire des industries qu’on soit insécures. On nous pousse à rejeter notre propre apparence pour ensuite nous vendre des moyens de contrôler quel visage on présente en public. C’est censé «accentuer ce qu’on a déjà». Ah ouin? On applique la même logique pour les talons aiguilles, les gaines, l’épilation, les brassières rembourrées, la liposuccion et les «bleachages» d’anus?
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