Aujourd’hui, j’ai vu quelque chose de vraiment pas cool dans les étalages de revues à l’épicerie. Alors que j’attendais tout bonnement en ligne à la caisse, la une d’un magazine a accroché mon œil. Écrit en giga majuscules jaunes, il y avait le scandale hollywoodien fraîchement sorti du four: le comportement de la fille de Bruce Willis et de Demi Moore. Je ne suis habituellement pas au fait des frasques des stars, mais là j’étais carrément outrée qu’on traîne Scout Willis dans la boue comme une héritière de Lindsay Lohan. Ce qu’on lui reproche, c’est de s’être baladée les seins à l’air et d’en avoir publié les photos sur les réseaux sociaux. Où les potineux se plaisent à crier au dérapage obscène, il n’y a en fait que militantisme.
Le buzz sur sa nudité est mal placé : loin d’avoir perdu la boule (badumtss!), Scout Willis a déclaré la guerre à la censure des mamelons. Certains lui diront de choisir ses combats, mais sa cause est facilement justifiable si on la relie à celle des lactivistes qui revendiquent le droit des mères à allaiter en public… Ça revient à l’éternelle lutte contre la sexualisation du corps des femmes dans n’importe quel contexte. Ça en dit déjà long que Scout Willis passe pour une dévergondée alors qu’elle prenait une marche la poitrine à l’air dans New York, et ce, en toute légalité. Cela dit, je ne resterais moi-même pas de marbre à la vue d’aréoles exposées, puisque dans notre culture elles ont une forte connotation sexuelle, comme il fut un temps où c’était le cas des chevilles. C’est un grand cheval de bataille du féminisme que la fâcheuse tendance d’associer le physique féminin à l’érotisme.
La question des seins n’en est pas moins épineuse. Sont-ils cachés parce qu’ils sont sexuels? Sont-ils sexuels parce qu’ils sont cachés? Au lit, des lèvres pulpeuses ont indéniablement un caractère coquin, mais elles occupent néanmoins d’autres fonctions pas mal moins sexy au quotidien. Je considère que la même logique devrait être appliquée à nos chers mamelons comme c’est le cas dans certaines tribus africaines libérées du tabou mammaire.
Ding! Ding! Ding! Heure du petit récap historique. Le tabou mammaire affligeait, il n’y a pas plus d’un siècle, les hommes d’Amérique, «Land of the Free», dont les aréoles étaient qualifiées d’immorales par le clergé. Terriblement brimés dans leur liberté d’exhibition de tétons, ils se sont révoltés et ont eu gain de cause en 1936 à New York. En passant, c’est Clark Gable, le kick de nos grand-mères lui-même, qui a en quelque sorte allumé l’étincelle de ce soulèvement en apparaissant le torse délicieusement nu dans un film.
Mais revenons à nos mamelons qui ne sont toujours pas les bienvenus. Facebook se fait un point d’honneur de nous le rappeler. Pour rire un bon coup, vous irez chercher sur le réseau social des photos de FEMEN… Vous voulez des effets de flou? EN V’LÀ! Pourtant, les pages Facebook avec des photos pornographiques dont la nudité est judicieusement calculée ne rentrent pas dans la définition de grossièreté de la plateforme. Tout ça, sur le même site qui a déjà carrément banni une campagne de dépistage de cancer du sein. Si vous me le demandez, l’indécence, elle est dans la censure.
Il faut rendre à César ce qui appartient à César : depuis le mois dernier, les photos de femmes donnant le sein sont tolérées par Facebook. *Chest-bump à Mark Zuckerberg*
Photo: Georgia O’Keeffe via Wikimedia Commons