Le «son du Lac» est souvent le premier mot qui vient à la bouche des gens quand on parle de la musique qui se fait au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Mais aujourd’hui en 2014, le son du Lac est devenu un mythe qui tanne un peu les gens de la région. Au-delà de ce son, il existe d’autres groupes comme Mordicus et Gazoline, deux formations du Saguenay qui se démarquent depuis quelque temps sur la scène pop rock francophone du Québec.
Anciennement les Mockin’Birds, Mordicus fait partie des artistes saguenéens qui ont su se démarquer ailleurs au Québec, notamment sur la scène musicale rock francophone. Influencée par les classiques de la musique psychédélique des années 60 et 70 et le britpop des années 90, la formation fait dans le style pop rock. Après un EP Qui vivra verra et un premier album Cri Primal, la formation s’est peu à peu taillé une place dans l’industrie rock du Québec.
D’avantage influencé par les artistes rock francophones québécois, tels Xavier Caféine et l’œuvre de Fred Fortin, le groupe Gazoline fait dans un style semblable à Mordicus. Pour le guitariste de la formation, Jean-Cimon Tellier, Gazoline, c’est du rock francophone moderne plus subtil et raffiné que le rock habituel. Leur premier EP Furturbabymama a déjà conquis les amateurs de musique rock tout comme leur premier album homonyme paru en mars dernier.
D’un côté comme de l’autre, ces deux groupes sont parvenus à percer la scène musicale québécoise et sont embarqués sur les ondes de CKOI et NRJ. Pour Jean-Cimon, il s’agit «d’une belle tape sur l’épaule».
Le son du Lac?
«Pour moi, c’est Fred Fortin, Galaxie, Gros Méné, les Dales Hawerchuk. C’est tout ce qui est sorti du Lac, du haut du Lac et auquel les gens de Montréal et des plus grands centres ont eu besoin de mettre une étiquette. C’est naturel chez les gens de comparer, de trouver un nom, de trouver un mot qui va identifier un phénomène. Le “son du Lac”, c’est le monde autour qui a créé ça. Cela a créé un certain mythe et moi j’aime bien ça», explique le chanteur de Mordicus, Maxime Desrosiers.
Pour Jean-Cimon Tellier, le son du Lac est sans contredit une étiquette. Selon lui, n’importe quel artiste pourrait faire dans ce son, peu importe sa région. Or, ce sont les gars de St-Prime, Fred Fortin et compagnie, qui ont popularisé ce style musical rock à son plus brut.
Cependant, il n’est pas rare que même les groupes du Saguenay se fassent associer à ce son, peu importe le style qu’ils font. Bien souvent, il suffit d’être un groupe rock du Saguenay-Lac-Saint-Jean pour que les gens l’identifient comme le son du Lac.
«Quand on a sorti l’album, oui dans les critiques il y en a qui parlaient encore du son du Lac. Eux autres de Montréal, ils mélangent tout le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Pour eux, c’est juste un gros trou», explique le bassiste de Mordicus, Martin Moe. Avec leur pop plus assumée, Mordicus croit se démarquer nettement de ce style.
Pour sa part, Jean-Cimon Tellier croit lui aussi qu’il s’agit d’une étiquette souvent trop utilisée. Il ne voit toutefois aucun mal à cela. «C’est une étiquette qui est souvent trop associée vite à n’importe qui qui a besoin de traverser le parc (des Laurentides) pour faire un show et qui rock un peu. Mais moi personnellement ça ne me fâche pas, parce que, selon moi, ce qui est le son du Lac, ça torche», explique-t-il.
Saguenay invasion
Mais si ce n’est pas le son du Lac, est-ce le son du Fjord? Encore là, les gars de Mordicus ne peuvent affirmer qu’il existe assurément un son qui colle à tous les artistes du Saguenay. Toutefois, eux et les gars de Gazoline s’amusent à dire qu’ils sont les porteurs du son du Saguenay.
«On dirait qu’on a le gout de créer le son du Saguenay, quelque chose de moins rock qu’au Lac», soutient Jean-Cimon.
«Ça serait le fun qu’en arrivant au Saguenay le monde sache que, musicalement parlant, tu as un son, une image, une identité, que tu as quelque chose », explique Maxime Desrosiers.
C’est dans cette optique que les gars de Gazoline et de Mordicus ont décidé à la blague de créer le #saguenayinvasion.
«On le sait que le monde aime ça les étiquettes, donc avec la compagnie de disque on met une étiquette là-dessus (en parlant de leur musique) pour que le monde se dise : “Ah! Les gars du Saguenay, ah! C’est différent au Saguenay”», explique le chanteur de Mordicus.
Rock francophone
Pour Gazoline tout comme pour Mordicus, choisir de chanter en français était un choix artistique naturel.
«Xavier (Dufour Thériault, chanteur de Gazoline) ne peut pas écrire de bonnes chansons personnelles et émotionnelles s’il ne pense même pas dans cette langue-là. Tu connais la langue française qui a comme trois fois plus de mots que l’anglais, tu la connais depuis zéro an», explique Jean-Cimon Tellier.
«C’est un choix artistique, c’est vraiment de pouvoir s’exprimer dans la langue dans laquelle je te parle en ce moment », explique Maxime Desrosiers de Mordicus.
Bien entendu, le défi est souvent plus grand puisqu’il s’avère peut-être plus difficile de faire sonner une phrase en français qu’en anglais en faisant du rock, mais selon Jean-Cimon c’est possible.
Présentement au Québec, il y a de la place sur le marché pour des groupes rock francophones comme Mordicus et Gazoline. Mordicus est persuadé qu’ils ont cette place au Québec.
«Il n’y avait aucune personne qui faisait ça en français, genre du britpop psychédélique blues en français au Québec. C’est ça qu’on voulait faire», explique Martin Moe de Mordicus. Sans compter qu’en anglais il faut se battre contre tout le côté francophone du Québec ainsi que tous les groupes du monde entier qui chantent en anglais, soutient-il.
Même chose pour Gazoline : ces derniers ont grandi avec des artistes rock francophones et ils sont persuadés que c’est possible de faire de quoi de bon avec du rock, même en français.
Photos: Courtoisie