Vincent Vallières a raison : «Le temps est long, long, long, long, long». Le cours d’anglais est franchement interminable. J’apprends à rédiger un texte, à composer une introduction avec un sujet amené, posé, divisé et à lire en diagonale. Le hic là-dedans c’est que je suis en deuxième année de CÉGEP. Je pensais que l’époque où Memo l’éléphant nous apprenait à lire était révolue…
Flashback
Si je tends les mains, je touche presque le ciel. Mes pieds ont quitté le sol et le vent me fouette le visage, je dois tasser les quelques mèches de cheveux qui sont projetées sur mes lèvres humides.
Une chance que j’ai shotguné une balançoire, elles sont très prisées ces derniers temps… Tout comme les méli-mélo de Jessica, mon amie qui exhibe un tour de bouche tout rouge parce qu’elle se lèche trop les lèvres.
Je me balance tranquillement en prêtant attention au babillage de mes voisines. (J’te jure, pour être à l’affût de tous les potins, c’est au spot des balançoires que ça se passe!)
Aujourd’hui, j’ai appris deux choses :
La première, SCANDALE : Fanny-la-guidoune-qui-sort-avec-des-gars-plus-vieux est rendue à l’étape de porter des G-strings. Oui oui, l’affaire que te rentres dans la craque des fesses. Oh my god, elle a même pas encore l’âge pour louer Rage meurtrière» ou Le cercle sans supervision parentale, you know what I mean? Rassure-toi, je n’ai pas des yeux bioniques, je l’ai su quand elle s’est mise à «capoter»* parce qu’elle avait peur que les p’tits gars voient sous sa jupe lorsqu’elle était dans les airs.
*Ici, le terme «capoter» n’est pas entre guillemets parce qu’il constitue un québécisme, mais bien parce que Fanny n’angoissait pas vraiment à l’idée de peut-être exposer au grand jour ses petites fesses de prépubère. En fait, je dirais même qu’elle avait un brin d’espoir qu’un coup de vent soulève sa jupe question de faire fantasmer les garçons.
La deuxième chose que j’ai apprise : Mon chum* Cédric sort avec Sabrina. Déception. Je me console toutefois en me disant que j’ai peut-être une chance d’être sa deuxième blonde… L’an passé, il est sorti avec moi et ma meilleure amie en même temps, alors c’est envisageable!
*Chut! Il ne sait pas qu’il est mon amoureux.
Quand mon tour de balançoire est fini – car oui, on a instauré un système de rotation pour que toutes les filles puissent profiter de l’attraction (je vous l’avais dit qu’elle était très populaire cette année) -, je vais voir Anne pour lui quêter un morceau de rouleau aux fruits. Ouain, elle est chanceuse Anne : quand c’est pas les rouleaux aux fruits, c’était les goldfishs ou les ficellos. Moi, j’ai jamais de collations. Mais ça me dérange pas trop, parce que de toute façon je trouve que les poissons au cheddar ben ça donne mauvaise haleine.
La cloche sonne. Je cours me placer en rang. Je sais pas vous, mais moi je suis toujours parmi les premières dans la file. Peut-être qu’un jour, je serai derrière avec les grandes si je mange toutes mes croûtes… paraît que ça fait grandir, les croûtes.
Retour à aujourd’hui
En attendant le coup d’onze heures qui signifie la fin du supplice qu’est mon cours, je me surprends à rêver de retourner dans le passé. L’époque où y’en avait pas de problèmes! L’époque où porter des bobettes de grand-mère était accepté et où les couples se formaient par l’intermédiaire d’une croix sur un bout de papier. «Oui?», «Non?» ou «Peut-être» pour les indécis…
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