Vous devez tous être tannés au plus haut point d’entendre parler sans arrêt du film Mommy, de Xavier Dolan. Je vous comprends. Je m’auto-énerve en ce moment à commencer un nouveau texte à ce propos. Mais tout le blabla qui circule et se propage autour de ce film a raison d’être et, croyez-moi, on n’a pas fini d’en entendre parler. Il va nous servir de nouvelle comparaison, comme l’on s’est servi d’un certain film de Jean-Marc Vallée pour dire: «Ça faisait longtemps que j’avais pas vu un bon film québécois de même, pas depuis C.R.A.Z.Y.».
Hier, je suis allée voir le film (oui, un peu en retard, je sais) et je suis sortie de la salle légèrement dans les vapes sur un air familier de Lana Del Rey, plutôt ébranlée après ce que je venais de vivre. Mommy choque, émeut, fait rire, sourire, chanter – bref, il fait tout sauf nous laisser indifférents. Le trio Anne Dorval-Suzanne Clément-Antoine Olivier Pilon est complètement attachant. Les trois effectuent une performance des plus remarquables. Suzanne Clément, dans le rôle de Kyla, enseignante en sabbatique qui a vécu un mystérieux traumatisme la laissant bégayer depuis un bon deux ans, s’épanouit sous nos yeux au contact de la mère et du fils. Anne Dorval incarne Diane, ou pour les intimes Die, la mère-héro qui ne mâche pas ses mots, qui ferait tout pour son fils, qui voit en Kyla une amie et une aide. Et finalement il y a Antoine Olivier Pilon, qui interprète Steve, le jeune ado difficile à gérer, souffrant de maladies mentales multiples, qu’on pourrait résumer en un TDAH.
À première vue, ces trois personnages semblent incompatibles et leur amour mutuel, improbable, mais c’est à la suite d’une scène de révolte et d’explosion de colère de la part de l’enseignante coincée devant le jeune troublé qui nous laisse sans mots, dois-je dire, que l’on comprend qu’ils avaient simplement besoin de se rencontrer. Ce sont ces scènes dont je me rappellerai le plus en repensant à Mommy, les fois où la musique souvent présente s’évanouissait pour laisser place à un bruit sourd, un sentiment d’acouphène, tandis que les personnages se criaient l’un par-dessus l’autre, laissant la violence s’imposer en gestes ou en mots.
Une réalisation qui innove
Pourquoi un film en ratio 1:1? On ne se rend pas compte que ce cadrage nous étouffe, nous enferme, nous donne l’impression d’être pris dans une cage, jusqu’à qu’à ce qu’il s’élargisse et que tout prenne son sens. C’était Die, Steve et Kyla qui étaient pris dans une cage, leur liberté étant réduite. Dans les moments de pure joie, l’image remplie tout l’écran et on comprend le choix du cadre, très judicieux et d’autant plus beau. C’est la particularité numéro un de ce film, une première, une idée des plus originales et efficaces, même si certains pourraient trouver cela agaçant à la longue.
Encore un excellent film de Xavier Dolan, son plus marquant sans aucun doute et le plus réussi jusqu’à présent, j’en ai bien l’impression. Qu’importe l’âge que vous ayez, qu’importe que vous n’aimiez pas le réalisateur ou les acteurs, que vous n’alliez jamais voir de films québécois, vous ne pouvez passer à côté de celui-ci. Il vous fera changer d’idée, je vous l’assure, peu importe avec quelle idée vous partez.
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