«L’âge n’est pas une garantie de compétence»
– Suzanne Tremblay, éducatrice au Centre de la petite enfance de la Sagamie
Yannick avait 16 ans et Julie 14, quand elles sont respectivement tombées enceintes. Un obstacle à leur jeunesse d’à peine sept livres, mais lourd en conséquences. Optimistes et organisées, les jeunes filles ont affronté les travers de la vie pour dévoiler leur plus grande fierté aujourd’hui : bébé devenu grand.
«Aymerick n’était pas voulu. Il était un accident de contraception, mais on a décidé d’assumer ensemble, mon copain de l’époque et moi», affirme Yannick Vézina, aujourd’hui sexologue, dans la trentaine et mère de trois enfants.
Quant à Julie Lemonde, elle a appris sa grossesse alors qu’elle était enceinte de 19 semaines et trois jours, soit trop tard pour l’avortement. Maintenant âgée de 21 ans, son fils représente sa bonne étoile, qui lui a permis d’obtenir les diplômes qu’elle a en main.
Bébé rime avec étudier
Yannick Vézina a poursuivi ses études après l’arrivée de son nouveau-né, alors qu’elle était en secondaire cinq. «J’ai jamais envisagé d’arrêter l’école», affirme-t-elle. Bien entourée, famille et amis se sont mobilisés pour lui rendre la vie plus facile. «Mes amies de filles, qui sont encore près de moi aujourd’hui, se sont séparé les matières scolaires et venaient à la maison m’enseigner ce que j’avais manqué», déclare la sexologue.
Elle a donc réussi haut la main son secondaire, a terminé son cégep et s’est ensuite lancée en sexologie. Détentrice d’un baccalauréat en la matière, elle a aussi une corde de plus à son arc : un certificat en toxicomanie.
Son petit Aymerick, âgé de 15 ans maintenant, est une source de bonheur pour son cœur de mère : «C’est loin d’être un adolescent à problème. Il est autonome, gentil et poli. Je ne le chicane jamais», déclare Yannick en riant.
Étant elle aussi très motivée, Julie Lemonde a terminé ses études, moyennant quelques cours à distance. Elle détient ainsi un cours en secrétariat dentaire et en termine un autre sous peu pour exercer en tant qu’adjointe administrative.
À 14 ans, la jeune adolescente a pleinement assumé ses responsabilités et est partie vivre en appartement, seule. Elle recevait de l’aide monétaire certes, mais concilier le tout était une dure tâche pour la mère.
«Les nuits blanches et l’école en plus, c’était très difficile à vivre», affirme l’étudiante.
Les préjugés ne datent pas d’hier
Ce que ces deux femmes ont en commun, ce sont certainement les jugements qu’elles ont subis. «On devient un sujet d’intérêt. On aime tellement ça quelqu’un qui vit quelque chose de différent de nous», ajoute Yannick Vézina.
Les mamans déplorent que les gens leur apposent une étiquette sans même les connaître.
«Quand je me présente à la garderie, on me demande encore si c’est mon frère. Non non, c’est bien mon fils», assure Julie, énervée par cette remarque.
Sévèrement jugées, elles ne sont pas les seules à vivre avec ce fardeau. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), près de 16 millions de jeunes filles âgées de 15 à 19 ans et environ un million de jeunes filles âgées de moins de 15 ans mettent au monde des enfants chaque année.
D’un point de vue extérieur
L’éducatrice depuis 31 ans au Centre de la petite enfance de la Sagamie, Suzanne Tremblay, affirme que les jeunes mamans la surprennent beaucoup. «Elles ont du cœur et veulent s’impliquer», ajoute-t-elle.
Effectivement, les jeunes mères ont de l’énergie et peuvent jouer longtemps avec leur petit. De plus, l’éducatrice déclare que ces dernières vivent dans le moment présent, sans avoir de grosses préoccupations : «Avec un jeune enfant, c’est la mentalité parfaite et on l’accepte facilement».
Toutefois, certaines semblent éprouver plus de difficulté que d’autres. «J’en réfère souvent à des professionnels pour qu’elles se fassent aider. Elles sont très ouvertes d’esprit», assure l’éducatrice.
Suzanne Tremblay déclare que les éducateurs ne culpabilisent pas la mère : «Tout ce qu’on veut, c’est aider l’enfant.»
Un facteur peut s’additionner aux nombreuses responsabilités des jeunes adolescentes. «Dans les chiffres, je te dirais que la majeure partie des couples ne résistent pas à la première année de l’enfant», affirme la sexologue, Yannick Vézina.
Élever un enfant est très difficile, même à l’âge adulte, c’est ce que l’éducatrice Suzanne Tremblay avance. La sexologue ajoute à cela qu’il faut d’abord se connaître soi-même et avoir un couple solide, mais à 17 ans, ce n’est pas toujours le cas. D’où la plupart des échecs amoureux…
Aucun regret
Les deux mamans referaient le même parcours si c’était à recommencer. «Mon cheminement a fait en sorte que je suis celle que je suis aujourd’hui. Ça m’a forgée», ajoute Yannick.
Julie affirme sans hésitation que la venue de son petit garçon a changé sa vie: «J’étais une adolescente très difficile. Ça m’a mis sur le droit chemin. Sans mon fils, j’aurais sûrement lâché l’école.»
«Rien dans ce monde n’arrive par hasard.» -Paulo Coelho
Photo: We Heart It