Throw back 2009. Première année du secondaire.
À cette époque, le principal moyen de communication s’appelait MSN et tous les jeunes prépubères passaient la majorité de leurs soirées à se parler entre eux durant de très longues heures. Des conversations, quand j’y repense, ne menant absolument à rien, tournant autour de «Ouhin, twa, ess kil y a des filles qui tintérésse? xD [sic]».
Oui, je faisais partie de ceux qui passaient leur temps sur MSN. Ça me permettait d’être quelqu’un que je n’étais pas, une fille très peu timide avec de la répartie et beaucoup de conversation. Le problème avec ça, c’est que lorsque je croisais ceux avec qui j’échangeais, je ne trouvais absolument rien à leur dire. Et c’était réciproque. Je n’avais jamais de réels contacts avec eux: quelques échanges de regards vite détournés, sans plus… Le problème étant que je ne savais pas réellement qui était la personne qui me répondait derrière l’écran.
Puis, en 2009, les jeunes de mon âge ont commencé à posséder des cellulaires.
Si vous saviez à quel point j’ai supplié mes parents d’en avoir un pour mes treize ans, alors que j’entrais au secondaire et que tout le monde autour de moi passait son temps à pianoter sur son «flip flop», debout en cercle, alors que je m’occupais à me ronger les ongles. Ma façon de m’occuper les mains pour avoir l’air de faire quelque chose également… God que j’ai dû en endurer des soupers au cours desquels les gens ne se parlaient pas, faisaient plutôt commenter, sans lever la tête, ce qui se passait sur Facebook ou bien le texto hilarant qu’ils venaient de recevoir. Trépidant, je vous assure.
La majorité était atteinte du même syndrome que provoquait MSN (aujourd’hui remplacé par Facebook). Chacun passait son temps devant son petit écran, à texter des gens à qui il n’irait jamais parler en vrai; à se nourrir de cette « attention »… Et quand le cell ne vibrait pas, c’était la panique. Un coup d’oeil à chaque minute pour s’assurer qu’il n’y avait vraiment pas de nouveau message. Comme s’ils avaient besoin que quelqu’un leur écrive pour être rassurés.
Et c’est fou quand je pense à ça, parce ces gens ne pouvaient jamais se retrouver complètement seuls avec eux-mêmes. Même lorsqu’ils allaient simplement prendre une marche, ils pouvaient contacter et être contactés à tout moment. Ils ne décrochaient jamais, toujours connectés. Ils en avaient besoin, c’est précisément le mot, et c’est le plus choquant dans tout ça!
Bien sûr, j’ai fini par obtenir un cell. Ça n’a pas été long que j’ai oublié comment j’avais vécu au cours des 17 années précédentes. J’ai eu cette passe durant laquelle je faisais partie de ceux qui ne pouvaient sortir de chez eux sans leur ami cellulaire, au risque d’une grande panique et d’un sentiment d’insécurité, ce qui est absurde parce que j’étais très bien placée pour savoir qu’il ne m’était aucunement nécessaire…
Pour moi, le fait d’avoir un cell n’était pas vraiment le retour de MSN, de cette façade devant des inconnus virtuels, mais je dirais que j’ai plutôt retrouvé ce même besoin d’être constamment en contact avec des gens, cette dépendance à entretenir de fausses conversations. Ne plus donner ma complète attention au moment présent, aux gens avec qui je me trouve. Baisser la tête sur mon petit écran dès qu’il s’allume, alors que j’ai tant méprisé tous ceux qui me l’ont fait subir.
Essayez de laisser votre cellulaire chez vous, juste une journée. Essayez de le laisser de côté pour quelques heures, ou de ne pas regarder l’écran à toutes les 5 minutes. Vous vous rendrez peut-être compte à quel point l’on peut se sentir bien sans; on n’en dépend pas pour vivre, eh non, contrairement à ce que l’on peut penser. À quel point il peut constituer un poids ou alimenter un sentiment de malaise, rendre bête et triste. Je m’en suis tout de même bien sortie durant 17 ans.
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