Mon petit doigt me dit que tu es en train de planifier ton costume pour l’Halloween. Je t’écris donc par mesure préventive. Ouais, je suis là pour t’éviter de faire un faux pas vestimentaire. Je sais, je sais : Jean Airoldi, sors de ce corps. Cependant, mes contraventions ne punissent pas le style, mais bien le racisme.
OK. Là, tu te demandes sûrement comment j’ai pu sauter de l’Halloween au racisme. Le lien s’explique grâce à un phénomène méconnu, mais bien présent dans notre p’tite routine : l’appropriation culturelle.
À ne pas confondre avec un échange culturel, c’est ce qui se produit lorsqu’une majorité ethnique, sans prendre en considération l’histoire derrière certaines coutumes étrangères, s’en empare. Ces «emprunts», on y assiste au quotidien : le twerking de Miley Cyrus, la mode des mocassins, des Blancs avec des dreadlocks, des kimonos en guise de robes de chambre.
«Ben voyons! Faut ben vivre un moment donné, c’est juste enrichissant!»
Prendre le crédit pour une identité qui n’est pas sienne, c’est du vol au même titre que le plagiat. On commercialise l’exotisme en lançant des lignes de bobettes avec des motifs navajos par exemple. L’industrie de la mode fait des profits sur le dos des traditions amérindiennes tout en les associant à des sous-vêtements. Ça dénature carrément la culture et sans compréhension adéquate, ça peut rapidement virer au sacrilège pour les pratiques à portée religieuse. Sans compter que des stéréotypes négatifs peuvent être renforcés. Le pire dans tout ça – tu l’auras deviné — : les plus grands coupables d’appropriation culturelle sont les Blancs. On fausse la conception collective de cultures qui peinent déjà à survivre par la faute de nos ancêtres. Le colonialisme n’a donc pas réussi à inspirer la délicatesse.
Tu comprends maintenant pourquoi je collerai une contravention à quiconque se pointe le 31 octobre en costume de geishas sexy, de Mexicains avec le kit moustache-poncho-sombrero-maracas ou de terroriste musulman.
Pas de panique. Il y a une marche à suivre.
Susan Scafidi, enseignante en droit à l’Université de Fordham et spécialiste des implications légales de l’appropriation culturelle, a élaboré la technique des 3S :
- SOURCE
T’es-tu procuré ton capteur de rêve auprès d’un artisan autochtone ou au Dollarama?
- SIGNIFICATION
Est-ce que tu es consciente du caractère cérémonial de ton maquillage de la fête des Morts? Y rends-tu hommage?
- SIMILARITÉ
Ton cours de yoga est-il conforme aux racines spirituelles de la pratique? Est-ce plutôt une séance d’entraînement ayant pour but de perdre du poids sur des beats électro?
Photo: Wikimedia Commons