À toi qui vient de terminer l’école, ou qui est à la vieille de finir, ben je te conte mon histoire. Parce que je pense qu’elle n’est pas si originale et que tu pourras te reconnaître. À toi qui peut être n’importe qui, je te conseille de lire jusqu’au bout.
Le vertige. C’est ça qui m’a pris. J’ai eu le vertige.
Pourtant, je n’ai jamais eu peur des hauteurs. Je ressens même un malin plaisir à vouloir me jeter dans le vide. Mais en ce moment, ce n’est pas moi qui me jette dans le vide : je me fais pousser dedans. *Nuance*
J’ai passé trois ans au Cégep pour apprendre le plus beau métier du monde. On m’a donné tous les outils, on m’a conseillé, on m’a dit ce qu’il fallait faire et ne pas faire. Après trois ans dans ce qui était devenu un petit nid confortable, je me ramasse sur le marché du travail. C’est tellement excitant mais tellement paniquant à la fois.
Depuis toujours, le chemin est déjà tracé, les étapes enlignées parfaitement les unes derrière les autres : la maternelle, le primaire, le secondaire, le cégep puis l’université. Nos études deviennent, sans vraiment qu’on s’en rende compte, des points de repères.
Après l’étape cégep pour moi, y’a quoi? Un gros vide. Un vide rempli de possibilités, de victoires, de déceptions, de sacrifices et de surprises. C’est ce à quoi ressemblera ma vie de jeune-femme-début-vingtaine : une gamine qui se ramasse dans ses petits souliers, prête à parcourir la terre entière nue pied si jamais ses souliers devenaient trop usés.
«T’as tout appris, maintenant débrouille-toi, fille.»
La confiance qu’on peut accorder à la petite jeune qui sort de l’école est à la fois impressionnante, excitante et déstabilisante. Pas mal vraiment très beaucoup déstabilisante, en fait. On te regarde, on te prend la main et on t’invite gentiment à plonger dans la piscine. Pis dans le creux en plus. Ça s’appelle «nage», ma belle
Je suis juste la petite jeune pleine d’ambition, moi là, juste ça y me semble. Par grands bouts, j’ai le sentiment qu’on me fait plus confiance que moi-même je peux me faire confiance. Je suis loin de m’en plaindre, vraiment très très trèèèès loin.
On apprend sur le tas, on s’améliore en ayant un maximum de temps de glace : c’est là qu’on joue à essais et erreurs, qu’on se plante pour mieux se relever. C’est là qu’on se surprend. C’est là qu’on se créé des moments qui nous ferons dire dans un, cinq, dix ou vingt ans : «Eille, ça me rappelle la fois où j’étais à la job, je sortais de l’école pis…».
Aujourd’hui, j’ai le vertige. Je me suis fait pousser dans le vide. Pis tu sais quoi? Je me pousse maintenant moi-même dans le vide et je continuerai de le faire. Parce qu’au fond, la peur n’est jamais une raison, c’est une excuse.