Je me souviens encore de la toute première fois que je l’ai entendu. Nous dévalisions à grand coup de bien-être la route de campagne sur laquelle nous roulions, le vent fouettant nos visages réchauffés par le soleil d’été. J’étais assise du côté passager de la voiture ; l’homme qui conduisait, ma plus sincère oreille, mon père, a soudainement monté le son de la radio. Il m’a dit, les yeux remplis d’étoiles comme ceux d’un enfant : «Marie!!! As-tu entendu cette tune-là? Écoute, tu vas l’aimer!». J’ai soudainement cessé de me préoccuper de mes cheveux qui s’entremêlaient au vent, puis j’ai écouté. Une voix nouvelle s’est inscrite sur une mélodie encore inconnue.
«J’veux rire à en pleurer, et puis pleurer de rire»
À ces paroles, j’ai tourné la tête vers mon père, mais, cette fois, c’est moi qui avais les yeux remplis d’étoiles. De grosses étoiles liquides. Au même moment, j’ai remarqué que celles dans les yeux de mon père avaient changé d’état elles aussi et, entre deux larmes se sont dessinés deux sourires, suivis de deux éclats de rire.
Nous avions donné vie aux paroles d’Alexandre Poulin.
Dimanche soir, c’est Alexandre Poulin à son tour qui a donné un sens à nos vies lors de son spectacle au Théâtre Petit Champlain de Québec. Un des spectacles les plus touchants de toute ma vie LE spectacle le plus touchant de toute ma vie.
Parce que ce soir-là, lorsqu’Alexandre et sa simplicité sont entrés sur scène, sa guitare sur le dos et accompagné d’un seul musicien, j’ai su que j’allais passer une belle soirée, mais j’étais loin de me douter que j’étais sur le point de vivre une expérience émotionnelle.
Trois courtes heures ont suffi pour comprendre que mes idées idéalistes de grande-voyageuse-tropsensible-et-ouverte-d’esprit étaient partagées. Trois courtes heures où une minuscule salle d’à peine deux cents personnes s’est envolée au Congo, à Paris, dans Oshelaga, dans l’au-delà, à Montréal, dans le passé… Mais surtout, trois courtes heures ont permis à des êtres humains de changer d’âme le temps d’une histoire, d’une chanson, et d’enfiler la peau d’un écrivain, d’un enfant sans père, d’un réfugié de guerre, d’un amoureux, d’un vieillard, d’un défunt, d’un penseur, d’un voyageur et tellement, tellement, tellement plus.
J’aurais aimé détenir la plume de Baudelaire afin de pouvoir rendre honneur à ce conteur, poète et musicien hors pair qu’est Alexandre Poulin. Je pourrais parler de ce moment pendant des heures et des heures sans jamais réussir à trouver les mots parfaits pour décrire ce qui s’est réellement déroulé dans cette salle, ce soir-là.
Mais je peux vous dire que, pour la première et probablement pour la dernière fois, j’ai compris ce que c’est, la magie : c’est l’attention portée aux harmonies et à la poésie de la dernière chanson qui a été jouée sans caisse de son et de manière totalement acoustique. Bien plus, c’est le murmure des âmes présentes qu’on entendait chanter silencieusement sur le bout des lèvres, comme si un simple faux son aurait pu secouer la terre entière.
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SURPRISE SURPRISE! Alexandre tenait à vous saluer lui-même suite à son spectacle au Côté-Cour de Jonquière à l’automne dernier! Pour un article et une entrevue exclusive avec l’artiste, cliquez-ici ; pour ses dates de spectacle et tout le reste, visitez son site internet!
Photo : Page Facebook d’Alexandre Poulin