Des fois je me fais des «à croire». Je me dis que je suis une adulte, une femme forte qui n’a peur de rien pis wow j’suis donc ben bonne. Vivre dans la partie ghetto du Saguenay, c’n’est pas épeurant pantoute, c’est juste plate pis il ne se passe pas grand-chose. C’est toujours ça que j’me suis dit.
Jusqu’au jour où ma vie s’est transformée en épisode de 19-2.
J’avais la conscience entre deux mondes, quand on m’a réveillée d’une manière brutale. J’ai ouvert les yeux, il faisait noir. On frappait à la porte d’entrée de mon appart. C’était un «frappage» assez fort, le genre de «frappage» qui te laisse pas de doute du genre «Est-ce qu’on cogne à la porte ou ben donc c’est juste moi?».
Je regarde l’heure, il est 6 heures du matin. Ce n’est donc pas un de mes colocs saouls qui veut entrer. Le tintamarre continue, à grands coups de pied cette fois-ci. «Ça y est», me dis-je. J’ai affaire à un meurtrier matinal! C’est à ce moment-là que j’ai arrêté de me faire des «à croire». Je ne suis pas forte, je ne suis pas une adulte, je suis un gros bébé, j’ai peur de tout et surtout, je suis trop jeune pour mourir. Toute la maturité que j’avais pu accumulée jusqu’à présent s’est envolée en même temps. Désolée ma belle, mais t’as pas le droit d’avoir 18 ans aujourd’hui.
Tout ça m’importait peu, parce qu’il y avait un cogneur fou à ma porte. J’étais beaucoup trop peureuse pour aller regarder par la fenêtre ou, encore pire, pour OUVRIR LA PORTE. Je ne voulais surtout pas croiser le regard de ce maniaque qui m’avait choisie comme victime en ce triste jour. Je n’avais plus le choix, je devais appeler mes parents.
Il faut préciser que j’habite à une heure de chez mes géniteurs. Ils ne pouvaient pas venir me sauver, mais r’garde, j’avais besoin de la voix réconfortante de ma mère pour combattre les méchants. Ils font tous ça, les Avengers, c’est juste qu’ils n’le disent pas, ok?
Ils étaient en direct sur Facetime avec moi, ils entendaient le fou m’ordonner d’ouvrir la porte. En même temps, j’essayais d’expliquer mon plan pour me cacher : «La salle de bain, ce serait pas pire, la porte se barre et j’aurais de l’eau…» Ma mère a vite fait de me dire d’arrêter de niaiser et d’appeler le 911. Pis mon frère aussi pour qu’il vienne me sauver, parce que ça fait partie de ses tâches de grand frère.
Ça brassait encore dans mon entrée quand j’étais en petite boule dans mon lit, mes parents regardant la scène comme une série-télé alors que je textais tous mes amis pour leur dire que je les aimais. La police débarque, mon frère aussi et mon proprio que j’avais appelé en panique était également de la partie.
Vous vous demandez ce qui arrive avec le meurtrier matinal? Oh, c’était juste un gars pas toute là qui s’était trompé de maison…
Mais hey, j’aime ça me faire à croire que j’ai frôlé la mort! Ça m’aide à me rappeler que j’ai le droit d’appeler mes parents en pleurant tôt le matin même si je suis une femme forte qui n’a peur de rien, bref, une adulte!
Ou presque.
Photo: WeHeartIt