T’es sur ma to-do list, entre faire l’épicerie et passer le balai. C’est ça que tu représentes : un vulgaire bout de papier sur lequel j’ai rapidement inscrit ton nom, une case dans mon agenda. Je n’ai même pas soigné ma calligraphie. D’ailleurs, je ne serais même pas surprise d’apercevoir une faute d’orthographe dans ton prénom.
C’pas parce que ton importance est moindre à mes yeux. C’est juste que j’prends pas le temps. J’prends pas le temps parce que c’est samedi pis j’suis débordée. J’prends pas le temps parce que j’ai la tête bourrée de projets et de tâches à réaliser. J’prends pas le temps parce que la vie est trop courte pour s’arrêter deux minutes.
Bullshit.
Il est là le problème. La vie est trop courte pour ne pas s’arrêter deux minutes. S’arrêter, chose qu’on ne fait pas assez. Laisser le temps en suspens l’espace d’une soirée. Focaliser sur le moment présent. Mettre de côté nos téléphones, nos soucis et nos peines.
Écouter. Discuter. Partager.
Partager, un mot trop souvent utilisé pour parler d’une vidéo ou d’un statut populaire dans notre fil d’actualité. Pourtant, à la base « partager » signifie plutôt se rallier, se solidariser. On n’prend plus le temps d’apprécier le «ici et maintenant».On n’prend plus le temps de chérir les moments où on est enfin réunis. On n’prend plus le temps de se regarder dans le blanc des yeux pour se dire ce que notre cœur crie.
Au pire, on se le dira sur Facebook. Quand nos doigts taperont sur notre clavier, ces mots que nos lèvres sont incapables de prononcer. Quand nos yeux seront rivés sur notre écran au lieu de fixer ceux de l’autre. Quand nos larmes resteront figées dans le monde virtuel à la place d’être retenues dans le mouchoir que nous nous serions tendus. Quand on se voilera la face derrière un texto bourré d’émoticônes censés remplacer nos véritables émotions.
Tu m’enverras un message lorsque tu seras à la table avec tes amis, juste pour être sûr que t’es pas 100 % mentalement présent avec eux. Juste pour être sûr que tu ne profites pas de ta soirée au maximum pis que t’as la tête ailleurs.
T’es sur ma to-do list pis j’aimerais ça jamais y rayer ton nom. Je n’ai pas envie de me dire «Yes sir! Une chose de moins à faire» en traçant un trait sur toi. Être avec toi, c’est pas une tâche. Être avec toi ça me fait plaisir, ça me fait du bien : je ne devrais pas voir besoin d’une liste pour me rappeler que tu existes.
Dis-moi, on peut-tu vivre pleinement notre vie avant qu’il ne soit trop tard?
On peut-tu lâcher le virtuel, le monde extérieur pis jouir du moment présent?
Ne laissons pas le futur devenir présent et le présent devenir passé trop rapidement.
Vivons maintenant.
Photo : Coralie Boisvert-Doyon