Chère épicerie,
Aujourd’hui, je me suis enfin décidé à aller te rendre visite. Ça fait au moins trois semaines que je ne t’ai pas vue et mes réserves de thon en canne commencent à être épuisées. Tout ce qui reste dans mon frigo se résume à un vieux restant de courge spaghetti cuisiné lors d’une soirée-étude qui s’est terminée, avec ben des «kleenex», devant deux cancéreux qui s’aiment beaucoup trop. (Lire ici : Nos étoiles contraires)
Eh oui, j’ai pleuré. En mangeant une courge spaghetti en plus. C’est plus mondain. Je n’avais pas d’autre choix, il fallait que j’aille te voir. Mon frigo grognait parce qu’il a le ventre vide et moi aussi ! Le vide sidéral, tu vois l’genre. Bref, je me suis motivé.
Ce soir je te date ma chanceuse. Toi pis moi, on va me nourrir. Sauf que, tu sais pourquoi je tarde toujours à aller te voir ?
JE TE HAIS.
Il fait frette chez toi. Je dois toujours faire une halte dans le réchaud à poulet. Je hais le fait de tapoter les avocats pour voir quel est le plus beau comme Nicole, Suzanne pis leur « chum » Linda ont sûrement fait juste avant. Je hais la rangée improvisée devant les viandes froides. Tout le monde se regarde, on sait jamais c’est à qui le tour. Ça fait que je me dépêche toujours.
Arrivé à la caisse, la fille blasée-par-une-job-étudiante-de-marde me dit bonjour. Je mets ma nourriture sur le tapis roulant et on entame une procédure normale soit, scanner la bouffe, me pogner partout avec le panier pour aller payer et payer. Non, je n’ai pas mes sacs réutilisables! Je les oublie tout le temps. Au moment de partir la caissière me dit: au revoir, mais AVANT que j’aie rangé mon portefeuille. Tu connais le revoir-dit-trop-tôt ? L’au revoir qui crée une légère tension de dépêche-toi à partir. Celui qui crée un malaise de 5-6 secondes parce que tu n’es pas encore parti, mais la salutation est déjà faite. Fac tu te dépêches, tu échappes ton p’tit change partout à terre et le malaise PERDURE encore.
Voilà pourquoi je tarde à aller te voir. Toi et moi c’est une relation amour-haine. Je ne t’aime pas, mais je dois manger.
PS. Je te hais
Photo: WeHeartIt