L’exposition de l’artiste cri Kent Monkman, Honte et préjugés : Une histoire de résilience, prend d’assaut le Musée McCord jusqu’au 5 mai prochain. Présentées pour la première fois en 2017, les œuvres de l’artiste réécrivent les 150 ans d’histoire du Canada d’une perspective autochtone, sans manquer de briser les conventions.
Le deuxième étage du musée est ainsi divisé en neuf chapitres thématiques s’agençant à différents pans de l’histoire du Canada, de l’époque coloniale à aujourd’hui. Ces chapitres constituent en des extraits des mémoires de Miss Chief Eagle Testickle.
Ce personnage au nom hors du commun est l’alter ego de Kent Monkman, qui apparaît dans la majorité de ses toiles. Cette représentation d’un Amérindien non binaire, abordant toujours fièrement une paire de talons hauts, s’inscrit au sein des œuvres de l’artiste dans le but de détruire les tabous et de s’éloigner d’une histoire canadienne racontée par « des Européens, hommes blancs et hétérosexuels ». De plus, l’artiste a affirmé que les Autochtones avaient « une place pour ces personnes bispirituelles dans leur culture », au contraire des Européens.
Ainsi, l’artiste aborde les thèmes de la colonisation et des conditions de vie des autochtones, mais aussi des sexualités multiples, de l’identité, de la résilience et de la xénophobie, qui sont au cœur des toiles et des installations de l’exposition.
Les œuvres de Kent Monkman nécessitent donc notre attention toute particulière, car à quelques mètres de distance, nous pouvons les confondre avec des toiles de paysages traditionnels, réalisées à l’aide des techniques des grands peintres du XIXe siècle. Mais, dès que nous nous en approchons, nous pouvons percevoir des détails choquants.
Tout d’abord, l’artiste a su réinventer la toile connue Les Pères de la Confédération, où il y a inséré son célèbre alter ego, posant nu devant les politiciens médusés. Assis sur une couverture de la Baie d’Hudson, il pointe du doigt le colonialisme et l’absence de considération des droits des Autochtones dans les politiques canadiennes d’origine.
Il est également impossible de demeurer indifférent devant sa toile Le Cri, qui dénonce les conditions effroyables dans lesquelles des milliers d’enfants ont été enlevés afin de séjourner dans les pensionnats indiens. Le même mur sur lequel figure la toile, plusieurs porte-bébés sont accrochés, alors que d’autres sont tracés à la craie. Ces derniers représentent les nombreux jeunes qui ne sont pas revenus de ces établissements visant à les déposséder de leur culture.
Monkman n’oublie pas de s’attarder de façon poignante à notre époque, dénonçant la surreprésentation des Autochtones en milieu carcéral et illustrant la violence présente sur les réserves.