Tu étais dans un café et tu as entendu deux filles se définir comme gouine et ça t’a fait dresser le poil de bras. Tu as perdu ton dentier quand, en attendant à la caisse, tu as entendu un couple de gars traiter leur ami de fif. Alors te voilà maintenant initié au concept de réappropriation des insultes LGBTphobes par la communauté LGBTQIA2+.
Le concept de réappropriation des insultes LGBTphobes ne fait pas l’unanimité, et ce, même au sein de la communauté. J’en ai parlé autour d’un café avec Rosalie Roussel, fervente militante du concept de réappropriation des insultes. Pour Rosalie, gouine, ce n’est plus une insulte et ce n’est pas une manière de se dénigrer. Utiliser ce terme est plutôt une manière concrète de le dénuder de son sens péjoratif.
Si Rosalie voit dans cette manière d’interagir une solution, certains seront très froissés par cette pratique. En y pensant, les insultes servent à hiérarchiser et isoler des groupes. Les insultes telles que tapette, gouine ou bien fif ont un lourd passé : c’est une blessure encore à vif pour plusieurs membres de la communauté, ce qui explique une forte réticence.
Pour les non-membres de la communauté LGBT (oui, oui, ça prend une carte de membre), mais non, plus sérieusement, c’est qu’ils se voient souvent mal à l’aise et ne savent pas où se situer. On leur dit de respecter la diversité et on leur apprend que ces mots sont blessants et là, sans être mis en contexte, ils entendent deux homosexuels se traiter de tapettes comme si ça voulait dire la même chose que bonhomme de neige.
Mais pourquoi en sommes-nous rendus là ? « Si l’on se les réapproprie, on résiste et l’on donne un nouveau sens à ces mots, on ne se sent donc plus menacés lorsqu’on les entend », me dit Rosalie. C’est logique, mais est-ce que ça ne serait pas aussi une manière de parler de sa sexualité plus facilement, de se la réapproprier et de montrer à quel point on est à l’aise avec elle ?
Pour Rosalie, lesbienne c’est un mot assez dégoutant. Elle n’est pas la seule à penser comme ça, c’est un quasi-consensus, les gens de la communauté n’apprécient pas particulièrement ce terme. Mais pourquoi ça, pour sa sonorité ? C’est une question qui mériterait qu’on s’y intéresse davantage.
Mais je me demande, si l’on se met à boycotter le mot « lesbienne » et qu’on le remplace par « gouine », ne va-t-on pas empirer le cas du mot qui semble si peu ragoutant ? On ne devrait peut-être pas boycotter de mots, c’est à ce moment qu’ont créé des complexes et des malaises face à eux. L’idéal serait peut-être d’utiliser aisément chaque mot.
Notre époque est propice à l’explosion de plusieurs manières de voir les choses et c’est ce qu’on remarque en observant ce phénomène qui prend beaucoup d’ampleur : il est plutôt difficile à manquer! Rosalie confirme que cette attitude est très rassembleuse, qu’elle permet de se reconnaitre dans la communauté et d’avoir une unité de famille. Plusieurs seront très choqués et mal à l’aise face à ce comportement. « Ce n’est pas tout le monde qui est rendu là », confirme Rosalie. Ce qui est important, c’est de comprendre et de voir en quoi la réappropriation des insultes LGBTphobes est bénéfique pour la communauté et les raisons derrière cette attitude qui peut en déconcerter plus d’un.
Attention, attention! N’arrivez pas lundi matin au bureau en pensant pouvoir agacer vos amis de la communauté LBGTQIA2+ et les traiter de tapettes parce que maintenant, c’est in. Ce n’est pas tout le monde qui peut le faire et bien que chaque cas diffère, je vous demande de, s’il vous plait, faire preuve de jugement quant à l’utilisation de ces termes.