Le 29 janvier 2020, le Cégep de Jonquière s’est retrouvé en confinement l’espace d’un après-midi. Et même si « tout est bien qui finit bien » je suis restée avec l’impression que nous avons collectivement vécu ça comme si ce n’était qu’un vilain film d’horreur et passé à autre chose sans trop se poser de questions.
Peut-être par peur de revivre l’émotion ou juste par ce qu’on s’est trouvé ridicules d’avoir eu peur pour ça, on est passé à autre chose hyper rapidement. Après en avoir discuté avec plusieurs de mes ami.e.s, je me sentais presque ridicule d’avoir eu peur et de m’être fait des scénarios catastrophes parce que pour eux, c’était comme si l’on avait vécu une simple pratique d’incendie. C’est comme si les émotions n’avaient plus leur place, comme si, honteux d’avoir eu peur pour ça, on se disait que ce n’était rien et que l’on niait notre propre ressenti.
On a tous vécu ça différemment et c’est très possible que certains n’aient pas eu peur.
Cependant, ce serait faux de dire que d’être une heure recroquevillée dans le fond d’une classe entourée de gens qui pleurent, les fenêtres couvertes, la porte barricadée par des bureaux et ce, sans avoir aucune idée de ce qui se passe, ça ne m’a rien fait. On n’avait aucune idée de la gravité de ce qui se passait quand c’est arrivé. Ça et la polytechnique, c’était presque la même chose au moment où l’on nous a dit de nous barricader. C’est sûr que c’est plus facile de se contenir quand on n’entend pas de coups de feu, mais reste que l’incertitude était la même. Moi j’avais peur, vraiment peur d’entendre le coup de feu qui me ferait perdre tout mon sang-froid.
J’entendais d’autres de mes amis rire de ceux qui ont pleuré et de ceux qui écrivaient à leurs amis et leurs familles pour leur dire qu’ils les aiment. « Mais quel sensible, agir comme un enfant voyons, il a trop été couvert par ses parents », « ben là, ce n’était même pas une vraie arme, on s’en fout »… Sérieusement se moquer de ça et remettre en question les réactions des gens ? Malgré les nombreuses théories qui circulaient par les échanges de texto, on n’avait aucune idée de ce qui se passait et il y avait de quoi avoir peur.
J’aimerais juste qu’on se laisse le droit d’avoir eu peur. Refouler ses émotions et faire comme si de rien n’était juste parce qu’il n’y a pas eu de bain de sang, ça sert à qui et à quoi ? C’est quoi le pire qui peut arriver si on dit « ouais, j’ai eu peur » ? Ce n’est pas normal de m’être senti mal d’avoir versé une ou deux larmes une fois le confinement terminé, parce qu’en vérité, c’est nos vraies émotions qui étaient en jeu.