L’inclusion culturelle, corporelle et sexuelle est devenue le mot d’ordre des grandes instances de l’industrie de la mode et de la beauté. Les créateurs de mode sont prêts à tout pour obtenir la première marche du podium et satisfaire les standards de la société. Cependant, cette diversité est-elle un réel signe de changement ou est-elle issue de stratégies de marketing?
« Nous avons tellement été habitués à voir un style de physique qui frôle la perfection que toutes celles qui étaient différentes ne se sentaient pas à leur place. Alors, le fait que la diversité soit plus présente sur le marché vient contribuer à l’acceptation de soi et à l’ouverture sur les divergences » se confie Josiane Bernier.
Amputée aux jambes à l’âge de deux ans à la suite d’une infection à méningocoque de sérogroupe C, une bactérie qui nécessite l’amputation chez seulement 10 % à 15 % des personnes infectées selon le gouvernement du Québec, la jeune femme a dû s’accoutumer à ses prothèses. Lors du lancement de la collection de maillots de bain Ornorm de Marie-Pier Morin le mois dernier, Josiane Bernier a paradé pour la nouvelle marque après avoir participé à un casting sauvage. Des mannequins de toutes les tailles ont paradé pour les médias.
« La différence avec les médias, c’est que je présentais une marque de maillots qui prône la diversité, psychologiquement et physiquement. Chaque personne était différente, c’est sûr que c’était une petite pression, car je savais que ça allait faire le tour du web, contrairement à quand je me promène sur le bord de la plage », dit-elle.
Un couteau à double tranchant
Depuis environ trois ans, cette diversité est devenue un incontournable. Plusieurs agences s’adaptent aux critères de la génération pour joindre une plus grande étendue de gens.
« Paradoxalement, l’industrie de la mode n’a pas vraiment le choix de suivre les transformations sociales, même si en même temps, elle tente de dicter ses créations. Je vous dirais que c’est un mélange entre la stratégie de marketing et l’ajustement au contexte multiethnique », mentionne la sociologue et enseignante en sociologie de la mode à l’Université Laval, Nancy Couture.
Maintenant, les entreprises qui misent davantage sur ce changement peuvent bénéficier de traitement médiatique positif, comme elles peuvent courir le risque de subir la critique si elles ne restent pas authentiques aux valeurs qu’elles véhiculent.
« Il faut savoir que l’élément principal de la mode en tant que concept est le changement! Sinon elle ne serait plus ce qu’elle est à la base, soit un phénomène modulant l’imitation et la distinction à travers le changement », lance Nancy Couture.
D’après elle, le mannequin de la mode rapide qui porte des pièces de vêtements souvent inspirées des créations de la haute couture destinées à des publics cibles fait plus souvent l’objet de stratégies marketing.
Une vision différente
Les agences de casting et de mannequinat à travers le Québec offrent également une nouvelle avenue aux mannequins traditionnels.
« Une fille en temps normal doit mesurer 5’8 et un garçon 5’11 pour être mannequin, mais au sein de l’agence, il y a de plus en plus de filles taille plus et l’évolution est grandissante, la sélection est moins exigüe » confirme une mannequin de l’agence Emma de Drummondville, Ève Robinson.
« La personnalité joue un grand rôle dans le processus de sélection. Si tu as le physique parfait, mais que tu arrives bête et que tu ne dégages aucun dynamisme, ils vont peut-être prendre quelqu’un qui est moins beau, mais avec qui ils vont avoir du plaisir à travailler », souligne un mannequin de l’agence Kiwi à Montréal, Guillaume L’Anglais.
Un pas à la fois
« De nos jours, on questionne la diversité des modèles, soit la couleur de la peau et les formes, de la même manière que nous questionnions par exemple, le jeans dans les années 1970 pendant le Flower Power, ou la mini-jupe en 1960, à savoir est-ce qu’il est beau de montrer ses jambes », affirme Nancy Couture.
La mode se doit d’évoluer. Pour certains, il reste du boulot à faire afin d’arriver à un juste milieu dans la représentativité des mannequins.
« J’espère que la diversité amplifiera. Lorsqu’on regarde sur les sites internet ou dans les magazines c’est toujours le même genre de personnes. Là, on commence à voir plus de tatouages, ce qui est une nette amélioration. Je pense cependant qu’il reste du chemin à faire, mais on s’en va vers le bon côté et je ne crois pas qu’on va s’arrêter là », répond Josiane Bernier.
Une chose est sure, l’industrie de la mode s’ajuste au gabarit de la société et au contexte multiethnique consciencieusement, tout en essayant de toucher le plus de marchés possible.