Le 12 mars, on a eu conjointement la chienne de notre vie.
Tout ne sera plus jamais comme avant. Ça se digère difficilement, comme une première gorgée de vin rouge, sauf qu’on s’habitue avec le temps. Tu vois, je me sens comme dans un récit dystopique où le méchant protagoniste se trouve à être un virus. Un virus qui tue, qui détruit, qui isole. Je me sens figurante, je me sens impuissante face à cette pandémie à laquelle je ne suis pas capable de voir une fin.
Parce qu’au début, on a ri. On s’est cru imbattable, on s’est dit que rien ne pouvait nous atteindre. Je veux dire, c’est compréhensible, on ne pouvait pas le prédire. Ou est-ce qu’on était juste insouciant? À toucher au bonheur du bout des doigts sans le savoir, à côtoyer nos amis sans penser qu’il s’agit d’une question de mois avant qu’on puisse rire de leurs mauvaises blagues à nouveau, à travailler face-à-face plutôt qu’au travers d’un écran, à vivre empreint de beaucoup plus de liberté qu’on pensait.
Ça va bien aller, je me répète à longueur de journée. Sauf que chaque jour est un long dimanche, les rues sont désertes, ma grand-mère ne va plus magasiner et le trois-quarts de mon entourage est au téléphone avec Revenu Québec.
Avant que toute cette folie prenne de plein fouet notre quotidien collectif, j’aurais voulu savourer un peu plus ce petit goût de normalité. Oui, éventuellement, la vie reprendra son cours. On fera des salut-coucou au printemps qui s’impatiente, on se trempera les orteils dans l’eau de notre piscine chauffée et on enfilera à nouveau nos gants pour affronter l’hiver québécois (et non une pandémie mondiale, tu vois c’que j’veux dire).
D’ici là, on prend soin de nous. On chérit nos proches plus que jamais, on fait le ménage de nos garde-robes et de nos vies. On prend le temps de s’aimer, de relativiser et de se laver les mains. Plus que jamais, on est unis, mondialement comme dans nos salons, et c’est une maudite belle chose à constater.