Mon arrière-grand-mère, elle a eu quinze enfants et puis ma grand-mère en a eu deux c’tait suffisant, ah et moi, j’étais pas un accident. Cette arrière-grand-mère, maitresse d’école, femme d’éducation, allait, sans le savoir, en exigeant que ses 8 filles reçoivent une éducation adéquate, faire naître la flamme du féminisme en ma grand-mère, qui tout comme elle, n’avait pas conscience qu’on l’appellerait un jour une féministe.
1957— Rue St-Dominique Jonquière,
Ma grand-mère, une enseignante alors âgée de 29 ans se promenait un dimanche après-midi avec ses amies sur la St-Do. Mon grand-père à l’allure d’un bel acteur, à bord d’un Chevrolet jaune et noir, la trouva bien de son goût. Au mois de mai 58, ils se mariaient. Elle abandonnait alors son projet d’étudier l’anglais à Toronto dû à un ultimatum de mon grand-père (c’était la première et dernière fois qu’elle renonçait à son autonomie).
Pain aux bananes brûlé
Ma grand-maman arrêta de travailler, le rôle de la bonne épouse quoi…?
Entre son catastrophique pain aux bananes brulé, la naissance de son premier enfant et ses tâches de ménagère, mon grand-père, propriétaire d’une station d’essence, fit faillite. Son rôle de femme à la maison ne serait alors plus qu’histoire ancienne.
Une vraie de vraie féministe…
Vers 1965, avec tout son aplomb de femme avant-gardiste, elle exigea que mon grand-père prenne le rôle d’homme à la maison. Maintenant, c’est elle qui travaillerait et lui qui ferait à manger et entretiendrait la maison. Elle retourna enseigner à l’école primaire et remboursa les dettes. En 1966, mon père naissait.
Cafés, voyages et chambre à part
Ma grand-mère prônait la liberté et ce n’est certainement pas l’avertissement du curé lui demandant de veiller à ses devoirs conjugaux qui lui fit renoncer à son droit de faire chambre à part. Elle avait sa propre voiture, son propre compte en banque et veillait à l’administration financière familiale. Ce n’est pas tout : son goût du voyage l’a menée de la France jusqu’à la Grèce, deux voyages qu’elle se permit de faire sans mon grand-père. Tout ça entre les cafés entre amies, les séances de magasinage et le piano.
Intéressée et informée
Je ne retiens pas du voisin ma passion pour le documentaire, ma capacité à reproduire la musique et ma frustration face aux injustices entre les hommes et les femmes. Elle était ouvertement outrée que les enseignants reçoivent plus que les femmes. Son désir de se faire respecter par les hommes était d’ailleurs alimenté par ses moments de solitude où elle vaquait à l’écoute d’émissions et de documentaires portant sur les mouvements de société, les droits des femmes et sur l’émancipation.
Que dire de plus… ?
La mère de mon père n’est malheureusement plus de ce monde, mais des douze années où j’ai eu la chance de l’avoir dans ma vie, j’en ai retenu qu’elle était une femme à l’esprit vif, pragmatique et d’une générosité sans bornes. Elle n’était pas parfaite et n’a pas réussi à 100 % à se libérer de ce que la société demande d’être aux femmes, mais elle s’est relevé les manches, ne demandait pas la permission pour faire ce qu’elle voulait et a transmis à ses garçons le respect de la femme. Évidemment, elle ne le sait pas, mais elle m’inspire tous les jours et bien qu’elle n’en ait pas été consciente, elle est ce que je permets de nommer, une vraie de vraie FÉMINISTE.