En l’honneur de cette première collaboration entre L’Exilé et La Cerise, nous voulions comparer les jeunesses des étudiants provenant de Montréal et de Saguenay. Nous avons parlé à quatre étudiants, deux du cégep du Vieux Montréal (CVM) et deux du cégep de Jonquière, qui nous ont fait part de leurs impressions d’avoir grandi en ville ou en région.
Mentalité et société
Emy Ouellet, 18 ans, étudiante en sciences de la nature au cégep de Jonquière souligne que la ville et la campagne se caractérisent par des réalités différentes. En bref, à la campagne on retrouve de grands espaces, mais une communauté très forte, tandis que la ville est très compactée, mais les gens y semblent plus individualistes. Ces différences influencent les jeunes qui y grandissent.
Pour les quatre étudiants, et ce, peu importe d’où ils viennent, la ville est synonyme de diversité. Méanne Aubry, étudiante en Optimonde au CVM, mentionne qu’elle apprécie avoir grandi en ville, car ses parents lui ont inculqué une grande ouverture d’esprit face aux différentes ethnicités et aux nombreux étrangers qu’elle rencontre chaque jour. Dans les mêmes propos, Léa Rozenfeld, étudiante en Histoire et civilisation au CVM, affirme que la métropole amène les jeunes à vivre avec des enjeux sociaux importants comme l’itinérance et la criminalité en milieu urbain, ce qui développe une socialisation différente.
En campagne, l’aspect de la proximité communautaire est très présent : « On connaît tous nos voisins […] On s’envoie la main, on se dit bonjour! », souligne Gabriel Gagnon, 18 ans, étudiant à l’École supérieure en art et technologie des médias de Jonquière (anciennement le programme d’art et technologie des médias du Cégep de Jonquière). Il y a un grand sentiment de confiance entre les habitants qui est transmis aux jeunes dès l’enfance. Aussi, les grands espaces des régions demandent de longs déplacements, alors les jeunes sont portés à avoir leur permis de conduite plus rapidement qu’en ville. Au Saguenay, les jeunes ont hâte de mettre leur BMX de côté pour s’acheter un scooter et ensuite une voiture. À Montréal, le vélo de ville et les transports en commun persistent plus longtemps, même que certains n’envisagent pas d’obtenir leur permis.
Les avantages
Les collégiennes Léa et Méanne aiment la ville, car on y trouve beaucoup de divertissements ; boutiques, cinéma, petits cafés, restaurants, bars, la métropole est une place propice au bonheur de la jeunesse. Léa mentionne également qu’on peut trouver du travail plus facilement à Montréal, et que les transports en communs y sont bien développés, contrairement à la région. Il est vrai qu’au Saguenay, vu le moins grand nombre d’usagers, les bus de ville sont plus rares. Elle dit aussi qu’il est plus facile pour les jeunes d’apprendre l’anglais, une langue internationale, car ils baignent dans une ville où l’anglais est plus présent. Méanne, quant à elle, souligne le fait qu’en ville, les étudiants peuvent vivre à petit budget. Les transports en commun et le vélo remplacent les paiements et l’entretien de la voiture, d’autant plus que les étudiants restent souvent chez leurs parents jusqu’à la fin de leurs études. Elle mentionne aussi l’important nombre de ressources pour la santé mentale et physique.
En région, Emy aime beaucoup la proximité qu’elle a avec la nature. « Tu peux passer une journée [à la plage] et t’as l’impression d’être en vacances », dit la collégienne originaire de Jonquière. En effet, beaucoup d’activités de plein air sont disponibles au Saguenay-Lac-St-Jean. On y grandit en étant habitué à être près du Lac-St-Jean ou du Fjord du Saguenay, des champs et de la forêt. Pour Emy, la région est paisible et accueillante, elle se voit bien y habiter encore dans le futur. De son côté, Gabriel souligne qu’il y a très peu de congestion routière sur les routes dans la région et qu’il roule souvent seul sur l’autoroute. Il dit aussi qu’on y retrouve moins ou à peu près pas de personnes en situation d’itinérance.
Les désavantages
Gabriel est heureux d’avoir grandi à Jonquière, toutefois, être loin de la ville et de ses infrastructures pose un problème dans le plan de carrière du jeune homme : « Moi je veux être comédien dans la vie, et au Saguenay, il n’y a pas d’écoles de théâtre ni de comédie. Ça se donne juste à Montréal. » Le manque d’écoles spécialisées, d’opportunités et de travail se fait sentir de plus en plus à mesure que les jeunes Saguenéens et Jeannois avancent dans leurs études. Le futur comédien nous dit que déjà quatre à cinq de ses amis sont partis étudier en ville, que ce soit à Québec ou à Sherbrooke. La situation d’Emy est d’ailleurs similaire, et elle pense probablement étudier en ville une fois rendue à l’université, pour enfin revenir en région poursuivre sa carrière. Pour la collégienne, les nouvelles rencontres, de natures amicales ou professionnelles, se font rares en région, d’où, en partie, l’idée de faire ses études universitaires en ville.
« À 18 ans, tu peux sortir au bar, mais il y en a genre deux. » -Emy
La question du jugement fut relevée par Gabriel, qui est d’avis que l’habitude généralisée de « juger » les gens est un grand désavantage de la vie en région, chose en partie causée par le manque de diversité qui socialise la population de manière différente. Léa, une fille de grande ville, nous dit être au courant de cette réalité : « Je connais des gens de la région qui paniquent à Montréal parce qu’il y a un itinérant dans le métro par exemple. »
« C’est pas relaxant, t’es toujours sollicité(e), par exemple dans le trafic… » -Léa
Bien entendu, grandir en région a ses avantages, mais la proximité des divertissements et des loisirs est un point fort des grandes villes qu’Emy envie des Montréalais et des habitants de Québec. D’un autre côté, les jeunes en région peuvent profiter des grands espaces et du peu de monde qui les occupent tandis que, comme le soulignent Méanne et Léa, les espaces communs sont souvent remplis et moins paisibles à Montréal. Selon ces deux montréalaises, habiter en ville n’est pas relaxant, et le rythme rapide de la vie laisse peu de temps à ses habitants de reprendre leur souffle. La région devient les vacances de la ville, et la ville, les vacances des régions. Léa mentionne qu’elle ne resterait pas à la campagne 24/7, mais qu’elle aime bien y passer le week-end et l’été afin de se relaxer et profiter de la nature.
Leurs vies depuis la pandémie
Depuis mars 2020, les vies des jeunes de Jonquière et celles des jeunes de Montréal sont chamboulées, mais de manières différentes. Étant donné les grands espaces et la distance, plusieurs jeunes du Saguenay possèdent une voiture dès l’âge de 17 ans ; c’est le cas de Gabriel. Pour lui, la perte de son emploi pose problème quant aux paiements de sa voiture et de l’essence. Pour ce qui est du ressenti des impacts et de la gravité de la pandémie, Emy souligne que le Saguenay a été victime d’une augmentation importante de cas pendant l’automne 2020, mais qu’encore aujourd’hui, elle a l’impression que les gens autour d’elle ne comprennent pas vraiment l’impact du virus. D’après elle, il est possible que ce soit à cause du fait qu’ils ne soient pas en ville.
Comme Gabriel, Léa a perdu son emploi à cause de la COVID-19. Son travail comme coach de gymnastique n’étant plus possible depuis la fermeture des gymnases, elle remarque consacrer plus de temps à sa famille et à prendre soin d’elle-même. Méanne insiste sur les effets du confinement sur le côté social de sa vie et sur sa santé mentale : « J’ai dix-huit ans dans exactement un mois, et juste de penser que je ne pourrai pas voir mes ami(e)s et fêter ma fête, c’est un peu déprimant […] c’est vraiment tough. » En effet, et cela fut relevé par les quatre étudiants, les jeunes montréalais sortent plus car ils ont accès aux bars et aux boîtes de nuit. Ils ont aussi accès aux transports en commun, ce qui facilite les sorties entre ami(e)s, surtout au moment de ses dix-huit ans. Avec le confinement, cet aspect social de la vie des jeunes a complètement disparu de l’hebdomadaire des nouveaux majeurs, incluant la possibilité de se faire des nouveaux ami(e)s, de vivre de nouvelles expériences et de se trouver soi-même en quelque sorte.