Choisir le pays de l’hiver, quitter parents, amis et repères est bien souvent un projet porté par un esprit d’aventure pour plusieurs Français. Toutefois, plier bagage pour un voyage aller simple vers le Québec et s’établir entre neige et joual confronte fréquemment les habitants de l’hexagone à un décalage culturel inattendu.
Ambre Sibuet-Masson, 31 ans, vivait difficilement le fait d’habiter la France. « À Paris, tout le monde est pressé, râleur, agressif et il y a une violence sous-jacente très présente, surtout quand on est une femme. » L’ancienne Parisienne raconte sur un ton d’évidence ce départ qui l’a mené au campus de l’Université Laval en 2013. « Le Canada a bonne presse en France et pour les Français, il y a un côté exotique au fait de vivre au Québec et d’être sur le continent américain ».
L’histoire d’Eva Choury, une Toulousaine de 22 ans, établie au Saguenay en 2019 pour les études, répond tel un écho à ce désir de vivre dans la Belle Province. « J’ai toujours eu cette envie de venir au Québec. Ça a toujours été un rêve, les paysages, la neige, les gens qui habitent ici, enfin, c’est vraiment une autre mentalité et ça commençait à être lourd en France. Je cherchais l’ouverture d’esprit », confie l’étudiante à l’accent du Sud.
Sophie Grézaud, journaliste retraitée née dans la France des années 60, a habité Montréal entre 2013 et 2017. Résidant aujourd’hui dans un appartement de Paris, la globe-trotter s’était rendue au Québec, pour le travail de son mari, un peu à reculons. Vivant une intégration difficile au peuple québécois, la femme explique que c’est en s’impliquant dans l’association Montréal Accueil, œuvrant pour l’intégration des Français et francophones expatriés, qu’elle a appris à aimer le Québec.
La sexagénaire analyse avec sagesse ce qu’elle a remarqué en s’impliquant auprès des Français arrivant et quittant le Québec. « Le Canada fait fantasmer les gens. Je pense que les Français ont cette impression de proximité avec le Québec parce qu’ils ne se rendent pas compte que les Québécois ne sont pas des Français. »
Selon Ambre Sibuet-Masson, il y a des différences culturelles rarement verbalisées qui déboussolent les Français qui arrivent. « Pour se faire des amis québécois, ça a été plus compliqué. La relation que les Québécois ont avec l’amitié n’est pas la même qu’en France. Un Français, tu ne le connais pas et il va t’inviter chez lui tout de suite, alors qu’au Québec, avant de te faire inviter chez les gens, ça prend beaucoup de confiance et ça m’a déstabilisé au début », raconte la jeune professionnelle.
« Je suis la seule française dans ma classe et j’ai vraiment du mal à m’intégrer. On est différents. Je ne sais pas si c’est conscient de nous mettre à part, nous les Français, mais nous sommes moins intégrés. En étant la seule Française, je vois que les autres Québécois parlent ensemble et je me retrouve un peu à part », livre d’un air triste Eva Choury.
Depuis 2005, le consulat général de France à Québec note une augmentation de 76 % des Français inscrits aux registres consulaires de Québec et de Montréal. Sophie Grézaud déplore le manque de transparence du Québec dans leur mission. « On veut absolument attirer les Français, mais après, ils vivent une désillusion face à ce qui les attend en réalité. »
En débarquant sur la terre promise, les habitants du pays du fromage doivent faire face à une difficulté d’intégration au sein du peuple québécois. Si c’est souvent à bon port que les Français prennent conscience de l’écart culturel entre les deux nations cousines, il ne suffit parfois que d’une histoire d’amour pour que ceux-ci puissent faire du Québec leur maison.