C’est dans son laboratoire que Gary Kobinger a passé la plupart de son temps dans les derniers mois. Avec l’aide de son équipe, le directeur du centre de recherche en infectiologie de l’Université Laval travaille d’arrache-pied afin de concevoir un vaccin efficace contre la Covid-19.
Bien que sa brigade ne possède pas l’effectif et l’argent qu’ont la chance d’avoir les compagnies comme Pfizer, elle a tout de même été en mesure de créer un vaccin qui s’est révélé très positif jusqu’ici. Ayant passé tous les essais cliniques nécessaires avant de l’expérimenter sur des humains, celui-ci dispose de caractéristiques le différenciant des autres vaccins qu’on retrouve sur le marché : « Ce qui distingue notre vaccin c’est qu’il peut se stocker à 4 degrés pendant 3 ans et que son prix est beaucoup moins élevé que celui des autres vaccins. Il représente environ le dixième du coût moyen » affirme Gary Kobinger. Ce qui pourrait permettre aux pays les moins riches de se le procurer.
Les travaux du centre d’infectiologie ont cependant été ralentis en février en raison d’un manque d’argent. Bien que son équipe ait reçu 1 million de dollars du gouvernement canadien, ce n’était pas assez pour concevoir un remède. « Ce que le fédéral n’a pas l’air de comprendre, c’est que lorsqu’il donne de l’argent à Médicago, nous on ne reçoit rien. Sur leurs 170 millions, on n’a rien reçu. »
Le scientifique et son équipe ne ressentent cependant aucune frustration : « On est les seuls à blâmer, on n’a pas été en mesure de convaincre le gouvernement de nous financer davantage, c’est notre faute […] Il est évident que nous sommes un peu déçus de ne pas pouvoir en faire plus pour le moment, mais on devrait recevoir plus d’argent sous peu. » En mars dernier, le gouvernement Legault annonçait qu’il enverrait plus de 3 millions de dollars au centre de recherche en infectiologie de l’université Laval.
Ensemble nous sommes plus forts
Le microbiologiste d’expérience, associé à la découverte du vaccin contre l’Ébola, se dit très content que d’autres équipes dans le monde aient été en mesure de développer un vaccin. Pour lui, lorsqu’on travaille pour une cause aussi importante que la santé publique, la compétition entre les différents laboratoires ne devrait pas exister.
Pour les mêmes raisons, Gary Kobinger pense que les compagnies pharmaceutiques ne devraient pas rechercher le profit : « Je n’ai rien contre le profit dans la mesure que ça n’empêche pas l’accès aux vaccins… Personnellement je pense que ça devrait être des organismes qui créent de bons jobs, mais en fin de compte les profits il n’y en a pas pour une petite minorité. »
Un gouvernement à blâmer ?
Le gouvernement de François Legault s’est fait critiquer à plusieurs reprises sur sa gestion de la pandémie. Ayant dépassé le cap des 10 500 décès, le Québec reste la province au Canada où le virus a été le plus mortel. Bien qu’il pense que l’hécatombe aurait pu être évitée dans les CHSLD, Gary Kobinger souligne l’importance d’accepter les erreurs commises afin d’éviter de les reproduire dans le futur. Il croit également que le gouvernement a su prendre de bonnes décisions très rapidement lorsqu’il a compris l’ampleur du problème. Les confinements étaient selon lui, ce qu’il fallait faire dans la situation.
Selon le microbiologiste, c’est une illusion de penser que le vaccin va tout régler. Pour lui, il est important que la population respecte les mesures sanitaires jusqu’à ce qu’il n’y ait quasiment plus de risque. Il reste cependant optimiste pour automne 2021 : « Nous devrions nous rapprocher de la vie normale en septembre […] à l’été 2022 tout sera réglé ». Gary Kobinger insiste sur le fait qu’on devra apprendre à vivre avec le virus : « Il ne va pas disparaître, mais une fois établi dans la population, il sera beaucoup moins dangereux ».
Vaccination obligatoire
Avec les doses de vaccins qui commencent à être administrées, quelques gouvernements pensent rendre obligatoire l’usage du « passeport ». Ce passeport permettrait d’identifier les personnes vaccinées et leur donnerait l’autorisation de rentrer dans certains lieux publics. Gary Kobinger estime que c’est une erreur : « On devrait ni forcer indirectement ou directement […] parce qu’il y a des gens qui ne peuvent pas être vaccinés donc ça les met de côté. La vaccination ne fonctionne jamais à 100 %, donc voilà il y a plusieurs exceptions et ça au bout du compte ça crée une ségrégation […] je trouve ça un peu malsain et contreproductif. ». D’après lui, les seuls qui devraient le recevoir obligatoirement seraient les personnes travaillant dans des milieux publics comme les médecins, le personnel de la santé et les professeurs. Le scientifique se dit inquiet de la possible apparition de ce genre de passeport au Canada.