Une étude publiée en juin dernier dans l’International Journey of Obesity révélait l’existence d’une corrélation entre l’indice de masse corporelle d’un individu et les risques que ce dernier soit discriminé, voire intimidé sur son apparence physique par ses pairs.
Bodyshaming ?
Le phénomène de bodyshaming ne date pas d’hier, mais la nomenclature du concept est quant à elle plutôt récente. C’est ce que relate la doctorante en psychologie Annie Aimé : « C’est un mot qui est nouveau dans la littérature, mais qui est très explicite […] ça réfère à des comportements qui viseraient à rendre une personne honteuse vis-à-vis de son corps ». La co-fondatrice de la clinique Imavi, clinique spécialisée entre autres en alimentation et image corporelle, relevait l’omniprésence de ce fléau au sein de notre société : « On le voit un peu partout, dès qu’on est en train de juger, de critiquer et d’émettre des commentaires par rapport à une personne, on est train d’agir sur ce concept-là. »
Une question sociale
La prolifération de ce concept résiderait dans les comportements des individus, mais surtout par l’établissement de standards sur le plan sociétal : « Il y a des normes de beauté, autant chez les hommes que les femmes, il y existe des physiques typiques qui vont être des physiques auxquels plusieurs d’entre nous vont aspirer », avance Mme Aimé. C’est d’ailleurs l’écart avec ces objectifs et ces idéaux de beauté qui amènent la discrimination selon la psychologue émérite : « Vient l’idée que si tu t’écartes beaucoup du modèle de beauté qui est présenté, c’est possiblement parce que tu ne mets pas les efforts pour […] ça vient en dire beaucoup sur ta personne et c’est de là que part la honte qui se ressent ».
« Vient l’idée que si tu t’écartes beaucoup du modèle de beauté qui est présenté, c’est possiblement parce que tu ne mets pas les efforts pour […] ça vient en dire beaucoup sur ta personne et c’est de là que part la honte qui se ressent ».
Des répercussions néfastes
Plusieurs aspects péjoratifs découlent d’une expérience de bodyshaming chez un individu. La santé mentale n’y est pas épargnée. Divers effets peuvent se présenter en réaction à un trauma de la sorte : « Une plus forte anxiété peut être éprouvée, l’estime de soi peut s’avérer plus faible avec une augmentation des symptômes dépressifs qui peuvent même amener l’isolement social », dénote Annie Aimé. Certaines victimes de ce mouvement discriminatoire en viennent même à refuser certains contextes où l’exposition corporelle est trop importante, de peur d’être jugées.
Le pouvoir des réseaux sociaux
« Chez les jeunes, ce qu’on voit, c’est qu’il va y avoir une plus forte consommation de réseaux sociaux […] ces jeunes-là vont regarder énormément d’images d’autres individus et se comparer », soulève la doctorante en psychologie. Cette idée de comparaison sociale régit, en soi, la base de cette idée de bodyshaming et l’existence de plateformes aussi accessibles chez les individus ne vient qu’amplifier le phénomène : « Les réseaux sociaux ne sont pas la seule cause, mais ça demeure en effet une piste d’explication extrêmement importante », affirme la co-fondatrice de la clinique Imavi.
Bodyshamer sans le réaliser…
L’idée de discriminer autrui, ou plutôt son physique, ne se fait pas toujours de pleine conscience. Éviter le sujet, ne pas inviter quelqu’un pour une activité quelconque ou même s’abstenir de regarder une personne peuvent s’avérer des formes de bodyshaming. L’étendue des comportements encourageant ce fléau peut donc s’inscrire dans le quotidien de tous et chacun : « Tout le monde aussi pourrait se retrouver ou s’observer en train d’avoir des comportements discriminants à l’égard d’autres personnes, on n’est pas exempts de ça, il faut faire attention », énonce Mme Aimé.
Une solution dans l’action
Sur une base plus générale, les images projetées aux jeunes et aux moins jeunes seraient plus appropriées et viendraient contrer la problématique si celles-ci ne présentaient pas d’idéaux corporels. Au plan des individus, plusieurs gestes concrets peuvent atténuer la stigmatisation sociale reliée à l’apparence selon la spécialiste : « On peut chacun chercher à se montrer plus inclusif dans notre discours et essayer d’être plus attentifs à ce que l’on dit ». L’idée serait alors de prendre conscience de nos interventions afin de s’assurer qu’elles ne viennent pas nuire à l’intégrité de nos semblables.