C’est à la microbrasserie Le Siboire, au centre-ville de Sherbrooke, que Geneviève Rioux s’est ouverte sur son histoire. Près d’un couple rieur, sous une lumière tamisée, elle a accepté de se livrer et de partager son art.
Geneviève a été victime d’une tentative d’agression sexuelle et d’une tentative de meurtre la nuit du 7 au 8 avril 2018 à son domicile. Le contraste entre la chaleur de la brasserie et cet évènement à glacer le sang est plutôt perturbant. Cependant, Geneviève raconte cette nuit avec courage et assurance. Elle est droite, fière. Les cicatrices sur son visage prouvent que ce courage était aussi présent cette soirée-là, alors qu’elle s’est battue pour vivre.
Lorsque Geneviève explique son parcours, d’avril 2018 à aujourd’hui, elle parle doucement, sur un ton calme. Elle ne se laisse pas dominer par les émotions négatives, la peur. Elle lutte toujours : « J’ai été victime, mais je suis surtout une survivante, et ça me met beaucoup plus dans l’action ».
Peur, puisque le coupable de cette agression n’a jamais été traduit en justice. « Étant donné que je n’ai jamais eu de justice […] je me suis dit que j’allais utiliser mon propre outil, qui est l’écriture ». C’est ainsi qu’est née sa suite poétique, Je n’ai pas dit mon dernier souffle.
« La suite, c’était un outil purement de dénonciation ». Dans cette suite, 18 slashs. Pour les 18 coups de couteau reçus.
Je ne veux pas
M’éteindre
De toutes mes forces
Magazine Le Sabord #119, Machines, dans lequel on retrouve les écrits de Geneviève.
À ça, il y a surement un sens à défaire. Ça s’est passé comme ça. Ça se passe rarement comme on voudrait
Trouver un sens à un évènement pareil. La tâche peut sembler fastidieuse, mais Geneviève l’a réalisée. « Le sens, c’est là-dessus qu’on a du pouvoir. C’est moi qui décide ce que je fais de cette expérience-là, comment ça me parle et où ça m’amène ».
Le lien de confiance avec les hommes
« Souvent, ça va être vraiment difficile pour les femmes d’avoir un lien de confiance avec les hommes ». Kelly Laramée, intervenante responsable des communications du CALACS-Agression Estrie, explique que les relations hommes-femmes peuvent être houleuses chez les victimes d’agression sexuelle ou de tentative d’agression sexuelle. Pour Geneviève, le chemin s’est tracé différemment.
C’est au Salon du livre de Sherbrooke que Geneviève a rencontré le romancier, poète et travailleur social David Goudreault. Elle s’intéressait tout particulièrement à ses textes. « J’allais juste le voir pour avoir une dédicace de son livre […] je ne visais vraiment pas une publication ». La vie fait parfois bien les choses : aujourd’hui, David Goudreault accompagne Geneviève dans ses créations, à la direction littéraire. « Le fait qu’il est cru en moi, c’est tellement fort. Le fait que ça soit un homme aussi ».
Croire. Kelly Laramée explique que « les victimes ont besoin d’être bien accueillies et d’être crues. Si tu ne sais pas quoi dire, c’est bien correct, mais fais juste lui dire que tu la croies et que tu es avec elle ». C’est un pas important dans la reconstruction d’une survivante.
Geneviève fera paraitre son premier recueil de poésie, Survivace, au printemps 2022.