Les femmes sont légèrement majoritaires aux hommes dans la population canadienne, selon Statistique Canada. Il est donc possible de se questionner sur notre système politique et sur les raisons qui expliquent que ce recensement ne soit pas reflété par des gouvernements paritaires.
Le terme parité signifie obtenir une égalité parfaite entre deux choses. Alors la parité d’hommes et de femmes, en politique, s’exprime par l’égalité en nombre de ceux-ci au sein des candidats, mais également des membres élus. Esther Lapointe, directrice du Groupe Femmes, Politique et Démocratie, explique qu’il est quasi impossible d’obtenir la parité, soit 50%. Nous parlons donc de la zone paritaire, qui se situe entre 40% et 60% des élus. Il est ainsi important de comprendre qu’il faut plus de 40% de candidates, pour obtenir un nombre d’élues dans cette tranche. Elle parle notamment d’avoir une candidature de femmes entre 45% et 55% pour atteindre le minimum de la zone de parité.
Actuellement, le palier québécois affiche 44% de femmes élues à l’Assemblée nationale, ce qui est largement plus élevé que la situation fédérale, qui a seulement 30,5% de femmes qui siègent au Parlement à Ottawa. Cette statistique est assez basse, considérant qu’en 2021 il y avait 43% de candidatures féminines. Diane Lamoureux, professeure émérite en politique à l’Université de Laval s’exprime à ce sujet, « Moi je ne pense pas que c’est la faute de la population, la faute est aux partis politiques qui sélectionnent les candidatures. »
Les deux expertes sont en accord pour expliquer qu’il y a des circonscriptions plus prenables que d’autres en fonction des partis. « Les partis ne présentent pas nécessairement les femmes dans des circonscriptions gagnables, souvent les femmes sont utilisées comme poteaux, dans des circonscriptions qu’ils sont à peu près sûrs de ne pas faire de gains », relate Diane Lamoureux. Elle ajoute que parfois les partis vont présenter une femme contre une autre femme. Alors bien que ce soit une figure féminine qui emporte l’élection, et qu’au sein du parti la parité soit atteinte, il n’y aura pas d’augmentation du pourcentage de parité au parlement.
Esther Lapointe apporte un second point important. En plus de placer les hommes dans les circonscriptions prenables, il faut considérer les députés sortants. « Il ne faut pas oublier une chose, lorsque vous avez des députés sortants qui se représentent, ils ont des chances d’être réélus. C’est rare que la population, à moins qu’il ait été vraiment mauvais, aille voter pour un autre candidat », soulève-t-elle.
Lors de l’analyse, il faut prendre en considération la popularité du parti, amène Esther Lapointe. Bien que la parité se retrouve au sein du parti, ce qui est le cas en ce moment avec le Parti solidaire et le Nouveau Parti démocratique, les partis doivent également avoir des chances de remporter les élections.
« La figure de chef politique est une figure vraiment masculine », indique Diane Lamoureux. Dans la grande majorité du temps, les femmes accèdent au pouvoir par défaut. Au-delà de la volonté des femmes d’être en tête d’un parti ou d’être première ministre, il faut prendre en considération que le monde politique reste majoritairement un milieu d’hommes. Les cabinets entourant les premiers ministres le dépeignent bien, selon Esther Lapointe, ces derniers sont souvent entièrement masculins. « Madame Marois en a témoigné durant les deux ans qu’elle a été la première ministre, ç’a été difficile pour elle. Elle avait de l’opposition à ses idées au sein même de son propre cabinet, expose-t-elle, c’est pourquoi il faut être beaucoup plus nombreuses en politique. »
Mode de scrutin problématique ?
Le mode de scrutin retrouvé au Canada est un mode de scrutin majoritaire, plus précisément un système majoritaire uninominal à un tour. Cela signifie qu’il n’est pas obligatoire d’avoir la majorité absolue, soit au-dessus de 50% des voix, pour être élu. « Avec notre mode de scrutin, maintenant qu’on est plus que deux partis autant au fédéral qu’au provincial, on peut dire que c’est [les élections] une grosse loterie », a souligné Denise Lamoureux. Les deux expertes s’entendent pour affirmer qu’un tel mode de scrutin est problématique et qu’il faudrait prioriser un mode de scrutin proportionnel, qui reflète plus équitablement l’opinion de la population.
Selon Esther Lapointe, la solution passe également par des mesures législatives, ce qui est un défi. « Il y a le mode de scrutin proportionnel […] encore là, quand tu décrètes que ton mode électoral est de tel type, ça aussi, c’est une obligation. C’est par loi que tu le décrètes, donc on revient toujours à des mesures législatives », explique Esther Lapointe.
« Changer le mode de scrutin serait une façon de le faire et, éventuellement, si nous voulons mettre des quotas, il ne faudrait pas mettre les quotas sur les candidatures, mais sur les résultats qui devraient se retrouver dans la zone paritaire, affirme Denise Lamoureux, avec des sanctions suffisamment pénalisantes pour que les partis s’y conforment. »
Cabinet des ministres
Esther Lapointe statue que le Parti libéral du Canada est un parti féministe et que son chef Justin Trudeau le démontre bien : « même si son gouvernement est encore minoritaire et qu’il n’avait pas la parité parmi ses députés, il a quand même composé un cabinet ministériel paritaire. Et cette fois-ci les femmes ont eu des ministères importants. » L’experte ajoute que ce n’est pas le cas du Québec, « Monsieur Legault n’a pas la parité dans son cabinet, il est dans la zone paritaire. Un conseil des ministres n’a pas à être dans la zone de parité, ça doit être paritaire, conclut-elle. Tu peux atteindre 50% quand tu nommes les gens ».
Selon Diane Lamoureux, le nombre de femmes est rendu suffisamment important pour changer certaines pratiques. Elle énumère d’ailleurs l’installation de toilettes mixtes ou de toilettes pour femmes au Parlement. En revanche, les deux expertes se rejoignent pour dire que la parité n’est pas garantie dans les prochaines années, et qu’il y a encore du chemin à parcourir pour s’assurer d’atteindre cet objectif.