Frédéric Villeneuve, surnommé « Freud », a jonglé toute sa vie, de locataire à sans-abri. Maintenant logé à Chicoutimi, le souriant quinquagénaire n’a connu que des deuils, la prison, la toxicomanie, l’alcoolisme, l’anxiété et l’itinérance.
Native de Chibougamau, sa famille est déménagée à La Baie, dans la ville de Saguenay, alors qu’il était tout jeune. Il vivait avec ses parents et sa petite sœur, avec qui il a coupé les ponts
depuis plusieurs années maintenant. M. Villeneuve est aussi le père de deux enfants, une fille et un garçon, mais il n’a plus aucun contact avec eux aussi.
« Pour moi ça a commencé tôt », lâche Freud, l’air nostalgique.
Il était une fois l’arcade à Lisette
Les étoiles dans les yeux, il se souvient que dès sa préadolescence il idéalisait les cheveux longs et le monde des motards. Il adorait la chanson « I love rock and roll ».
Son histoire avec les drogues dures a commencé alors qu’il avait à peine 14 ans. Avec ses amis, il aimait bien aller jouer aux arcades. Ils finissaient souvent par se rassembler sous le viaduc pour expérimenter « les trips de la vie ».
Rapidement, le décrochage scolaire et les problèmes de consommation se sont enchainés. « Si c’était à reprendre, je ne suis pas sûr que je prendrais les mêmes décisions parce que j’ai vécu des choses qui ne se peuvent même pas », a-t-il dit le cœur gros.
Un logement, encore combien de temps ?
Freud aime aider les autres. Au cours des années, son grand cœur lui a parfois prêté malheur. En accueillant plusieurs de ses amis chez lui, il raconte qu’il a souvent fini par perdre ses loyers.
Avec l’aide de l’organisme de Service de travail de rue de Chicoutimi (STRC), M. Villeneuve a réussi à se trouver un logement qu’il occupe depuis quelques mois maintenant. Il héberge une connaissance à lui. Il est content que tout se passe bien.
« C’est difficile aussi pour moi de garder un travail », lance-t-il l’air découragé. Il a l’impression que son allure finit toujours par lui jouer des tours aux yeux des autres.
« Malgré que le visage de l’itinérance soit encore mal vu dans la société, c’est beau de voir qu’il a toujours continué d’essayer malgré les déceptions et les portes fermées », ajoute Émily Bouchard, intervenante au Service de travail de rue de Chicoutimi.
SOUPE POPULAIRE DE CHICOUTIMI. CRÉDIT PHOTO : CHARLIE GRENIER
Émily Bouchard salue sa force
« Sa force », a-t-elle lancé sans hésiter pour décrire M. Villeneuve.
« Je l’ai vu dans une situation catastrophique, ajoute Émily, mais malgré tout il a continué de persévérer et de faire des démarches pour essayer de s’en sortir. »
Freud consomme toujours. « J’en ai besoin », dit-il. Sa consommation est maintenant encadrée par le STRC.
Il a accès au site temporaire de consommation et de prévention des surdoses (réduction des méfaits) de l’organisme. C’est un site sécuritaire et propre pour la consommation des drogues, la distribution de naloxone, l’accès à du matériel stérile et la vérification de la présence de fentanyl.
L’itinérance à Saguenay
Selon le plus récent recensement, ils sont près de 70 personnes à se retrouver en situation d’itinérance à Saguenay. Parmi eux, une dizaine choisissent encore la rue plutôt que les ressources.
Les données révèlent que 48 personnes sont dans la rue, dont sept femmes. Ce chiffre n’inclut pas les 33 personnes qui sont hébergées par la Maison d’Accueil pour Sans-Abri. On compte également que 22 personnes sont à risque imminent, dont cinq femmes.
« C’est difficile »
Pour Freud le temps passe trop lentement. C’est long et court à la fois. Après avoir timidement ri, il explique sa vision du temps grâce à un souvenir d’un moment derrière les barreaux. En prison il aimait dire que les aiguilles de l’horloge tournaient « à l’envers ». « Même dans la rue on ne veut pas mourir, jure-t-il, le plus dur c’est quand nos regrets reviennent contre nous. »
« Maintenant tout ce que je veux c’est trouver ma porte de sortie », conclut Frédéric Villeneuve, les yeux sincères.