par Léa Morin-Letort, étudiante 2ème année de journalisme
La semaine québécoise des rencontres interculturelles se tient jusqu’au 10 novembre avec le thème « Le Québec en commun ». C’est l’occasion de revenir sur la première journée interculturelle, organisée au Saguenay-Lac-Saint-Jean cet été. L’objectif était de rassembler les organismes de la région pour réfléchir à l’accompagnement des personnes immigrantes sur le territoire. Tour d’horizon d’une journée fructueuse dans laquelle l’envie de se comprendre est commune.
« On a de plus en plus de clientèle immigrante et on est un peu démunis car on ne sait pas quoi leur offrir ni comment bien répondre à leurs besoins donc on voulait un peu plus de concertation et d’outils », explique la nutritionniste au Centre local de services communautaires (CLSC) du Fjord, Marie-Josée Gravel. Elle participe avec enthousiasme aux discussions avec les acteurs régionaux œuvrant auprès des personnes nouvellement arrivées pour faciliter leur intégration sur le plan social, économique, familial, de la santé, etc. Cette journée est organisée par Le Carrefour jeunesse emploi de La Baie, l’organisme communautaire anglais ECO-02, la Maison des familles de La Baie et le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Saguenay-Lac-St-Jean.
Les activités proposées rassemblent 45 personnes de 15 organismes différents et un panel de 7 personnes nouvellement arrivées dans la région en provenance d’Europe et d’Afrique. Tout le monde est ravi de participer à la conférence sur la communication interculturelle, aux ateliers de concertation pour les professionnels, au dîner avec des mets internationaux et aux témoignages de nouveaux arrivants au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les échanges fusent durant la conférence et les ateliers. Les participants s’appuient sur leurs expériences de terrain et le vécu de personnes étant elles-mêmes nouvellement arrivées au Québec. Pour chaque thématique abordée, des pistes de solutions sont émises puis rapportées en grand groupe.
L’étudiant à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) Jacques Nzaya partage son point de vue lors de l’atelier portant sur la stigmatisation des personnes immigrantes. « En tant qu’étudiant étranger, j’ai l’habitude de me regrouper avec la communauté congolaise et toutes les autres. On se rassemble juste entre nous et c’est trop confortable dans un sens. Mais c’est aussi utile pour accueillir les nouveaux ». La discussion s’oriente ensuite sur l’intégration de certains étudiants étrangers qui peuvent se sentir vraiment dépaysés dans le monde du travail. L’intervenant en intégration pour la clientèle immigrante et animateur de l’atelier Serge Tremblay, suggère de mettre en place du mentorat en entreprise sur une période déterminée pour faciliter leur adaptation.
« On se rassemble juste entre nous et c’est trop confortable dans un sens. Mais c’est aussi utile pour accueillir les nouveaux » Jacques Nzaya.
Trouver des stratégies pour s’adapter s’avère utile, autant pour les personnes immigrantes que les professionnels qui les accompagnent, d’après M. Tremblay. L’adaptation nécessite une connaissance des services existants et des habitudes de vie de chacun, selon les professionnels. Or, ils constatent un manque d’informations à ce sujet.
Dans l’atelier abordant ce manque d’informations, tous s’accordent d’abord à imaginer un lieu centralisé. La coordonnatrice de la maison d’hébergement Le Rivage, Sonia Rhainds, nuance. « Bien souvent, c’est le transport qui est problématique. Le territoire est grand et les services sont trop éloignés les uns des autres. Leur accès est difficile et les gens doivent marcher. J’accompagne des familles qui ont de la misère à se déplacer à pied l’hiver et ne sont pas habillées en conséquence pour le faire. Certaines pensaient mourir sur le bord du chemin tellement il faisait froid pour elles. Alors, c’est important qu’il y ait des points de repères mais les réalités d’une ville à l’autre sont très différentes ».
« Notre cœur est deux fois plus grand : la moitié est ici, l’autre est là-bas » Halyna Lavrik.
Outre des repères géographiques, la notion de repères culturels avec une langue parlée en commun revient régulièrement dans les discussions. La responsable des cuisines collectives et responsable des bénévoles de la Maison des familles de La Baie, Manon Gaudreault dit « pousser les bénévoles à communiquer malgré la barrière de la langue et à trouver des astuces. Par exemple, certains bénévoles ont écrit des mots en espagnol et les laissent en permanence sur la table. L’objectif est de s’intéresser aux personnes immigrantes et trouver des outils pour contrer l’appréhension d’entrer en relation ».
Une fois les ateliers terminés, le temps du dîner offre un moment convivial avec des mets sucrés cuisinés par Halyna Lavrik, d’origine ukrainienne. La mère de famille raconte ensuite son parcours de l’Ukraine au Québec à travers une vidéo. Elle y présente sa réalité depuis le début de la guerre dans son pays jusqu’à son installation au Saguenay. Mme Lavrik dit considérer les Québécois « comme des anges » grâce à leur accueil à son arrivée. L’émotion est palpable dans la salle. « Notre cœur est deux fois plus grand : la moitié est ici, l’autre est là-bas », conclut-t-elle en souriant avant d’être chaleureusement applaudie.
Face au succès de cette première journée interculturelle à La Baie, l’équipe d’organisation envisage de renouveler l’expérience. « Nous avons la volonté de créer un événement régional dont la forme reste à déterminer », conclut Serge Tremblay.