Zachary Sanche
En 35 ans de carrière, le caricaturiste du Quotidien Mario Lacroix a assisté à l’évolution fulgurante de son métier. Bien des aspects ont changé depuis 1989, dont la sensibilité du public. « Il faut y aller doucement dans le monde où on est rendu. »
À sa toute première année au journal, M. Lacroix publie un dessin représentant une infirmière, mitraillette au poing, qui vient de tirer sur une photo du premier ministre de l’époque, Robert Bourassa.
Cette image est alors publiée le 7 décembre 1989, le lendemain de la tuerie de polytechnique qui a fait 14 morts, tous des femmes. Mario Lacroix refuse aujourd’hui de diffuser à nouveau ce dessin.
Ce genre d’incident ne pourrait plus se produire. « Quand je décide de dessiner des fusils dans une caricature, ça va être un fusil à l’eau. » Même s’il constate la présence croissante du « politically correct », il juge d’un bon œil ces changements.
Des politiciens plus entrainés
Lacroix relate la difficulté qu’il rencontre aujourd’hui à trouver les failles chez les politiciens. « Il y a 15-20 ans, [ils] étaient beaucoup moins polis, ils avaient moins une image publique raffinée. Ils disaient ce qu’ils pensaient. »
Il dénonce entre autres les « spin doctors », ces gens chargés de travailler sur l’image des décideurs et du contrôle de l’information. Pour lui, des personnages hauts en couleur comme l’ancien premier ministre Jean Chrétien ou l’ex-maire de Saguenay Jean Tremblay n’existeraient pas de nos jours.
Une proximité avantageuse
Le caricaturiste préfère de loin la proximité du Saguenay-Lac-Saint-Jean à la couverture nationale. J’aime beaucoup les politiciens municipaux, les conseillers municipaux. C’est près de nous autres. »
S’il considère que la personnalité des politiciens de Québec ou d’Ottawa est plus effacée, les décideurs régionaux ne semblent pas avoir ce problème. « Au municipal, des fois il y en a qui s’échappent. C’est vraiment marrant, on peut faire des choses vraiment le fun avec ça. »
Il souligne cependant les humains derrière ces gens qui s’impliquent dans la politique municipale. « Plus souvent qu’autrement, c’est soit des enseignants qui ont pris une année sabbatique pour faire de la politique […] ou des retraités. […] C’est pas comparable à des chefs d’État. »
Les caricaturistes de demain
Malgré les menaces de l’intelligence artificielle, M. Lacroix demeure optimiste face au futur du métier. « Les jeunes ont du talent, c’est fou! J’en vois des dessinateurs sur Internet, c’est extraordinaire ce qu’ils font. »
« C’est un trait de l’humain de pouvoir rire de ce qui nous dérange, ou de rire de ce dont on a peur. […] Ça va évoluer et ça va changer naturellement, mais [la caricature], c’est là pour rester. »