Qu’est-ce qui unit les mots « agression sexuelle » et « humour » ? Pas grand-chose, me diras-tu, surpris(e). Pourtant, ça n’a pas semblé surprendre personne jeudi dernier lors du spectacle d’humour « Fuck la culture du viol » à la salle François Brassard du Cégep de Jonquière. Des humoristes de la relève se sont présentés au public avec des numéros éloquents, tordants et critiques à propos du viol.
Reprendre le contrôle de la situation, ça passe parfois par le rire et c’est ce qu’à compris la gang du spectacle d’humour « Fuck la culture du viol », soirée animée par Judith Lussier. L’évènement a fait intervenir d’habiles humoristes de la relève, sachant jouer avec les mots d’une grande habileté (comparable à celle d’un singe qui ouvre une banane). J’en ai parlé lors d’une entrevue avec la journaliste, chroniqueuse, auteure, militante LGBTQ+ et féministe Judith Lussier afin de pousser la réflexion.
Mais comment rire du viol ?
Judith Lussier m’explique que pour le faire, on doit rire des bonnes choses. Par exemple, on doit rire des agresseurs et des mentalités ridicules entourant le viol, de la banalisation ou du fait de blâmer une victime. Elle ajoute qu’on doit aussi aborder d’une manière critique l’ambiance toxique se créant autour des agressions qui se caractérise autant par le masculiniste que par les préjugés qu’on porte sur les femmes.
Un public « tanné » de la culture du viol
Parler de viol c’est libérateur, surtout quand ça provoque des éclats de rire. Le spectacle a permis de briser les tabous et de mettre des mots sur ce qui peut parfois être difficile à exprimer. La soirée a montré au public qu’ils ne sont pas seuls et qu’on doit dénoncer ce qui ne fonctionne pas. Selon la féministe, une initiative comme celle-ci démontre que « ce n’est plus drôle de rires des victimes, que ce n’est plus drôle de faire de vieux clichés » et qu’en fait, « c’est mononcle ».
Cette prise de parole féministe a été présentée pour la première fois une semaine après le scandale #MeToo. C’était aussi la première fois qu’on voyait un spectacle mélangeant l’humour et le viol. L’initiative de Tanya St-Jean avait pour objectif d’aborder des enjeux sociaux importants et de « s’éloigner le plus possible de l’homme blanc vivant en banlieue qui parle de ses problèmes de piscine et de sa blonde qui est dont ben fatigante ».
Qui peut en rire ?
« L’important, ce n’est pas qui tu es, mais de qui tu ris », dit la militante. Les femmes peuvent peut-être en rire plus facilement, mais il demeure que les hommes alliés de la cause peuvent le faire aussi. En riant des bonnes choses, on peut intégrer de nouvelles mentalités dans la culture collective.
Les dernières années ont donné place à un plus grand nombre de dénonciations. « Les gens sont maintenant plus à l’aise », explique Judith Lussier. La journaliste considère que l’on doit « éviter un back clash, être sensible et ne pas lâcher la lutte, parce que le discours féministe très fort des dernières années amène le risque que des gens se tannent et y voient une injustice », ce qui risque de faire régresser la cause.
« Lorsqu’on est habitué aux privilèges, l’égalité est parfois vécue comme une pression », cite-t-elle. C’est important de comprendre que l’égalité n’est pas atteinte et que l’on doit demeurer vigilant(e). Le féminisme est encore mal perçu par une grande partie de la société et aussi surprenant que cela puisse paraitre, même chez des femmes.
Même si c’est parfois plus facile de se fermer les yeux face aux comportements entourant la culture du viol, il faut remettre en question ces comportements rappelant l’ère des dinosaures. Ils sont à déconstruire, car oui, c’est gagnant pour tout le monde de vivre dans une société égalitaire.